lundi 26 février 2024

Gagner un tournoi de poker V

Nous voici de retour pour la dernière mise à jour d'un des objectifs que je me suis fixé il y a maintenant bien longtempsgagner un jour un tournoi de poker important. Évidemment, énormément de changements depuis la première, la deuxième et la troisième mise à jour qui date d'il y a 7 ans...

J'ai continué à jouer tout ce temps de manière plus ou moins intense, particulièrement durant le confinement qui a été pour tous les joueurs de poker en ligne un peu aguerris une période bénie.

Je suis également toujours membre de l'association dans laquelle j'avais débuté et qui me procure la majorité de mes gains (puisqu'elle représente la majorité du temps que je consacre au poker)

Commençons par la mise à jour du graphique que j'avais introduit à la fin de mon dernier article sur le sujet, avec, à l'époque, environ 650 tournois dans la base de données. Il y en a aujourd'hui à peu près 3 fois plus.


Comme vous pouvez le constater, on observe une progression rapide des gains à partir du 1500ème tournoi environ, qui correspond à peu près au début du confinement. J'ai joué des tournois plus important sur le web et gagné les classements internes de l'association, qui m'ont grassement rémunéré en tickets convertis en gains réels sur Internet et... en live !

Et oui, la deuxième tentative a été la bonne et j'ai pu profiter d'un de mes tickets pour jouer un évènement référencé sur Hendon Mob et atteindre les places payées ! L'objectif que je m'étais fixé en 2016 est donc finalement réalisé. Et, avec le recul, je pense qu'il est plus que réussi : j'ai gagné de très nombreux tournois en ligne (j'ai eu un petit logo sous mon avatar pendant une année pour le rappeler à tout le monde ahah !) ou au niveau associatif, dans différentes variantes du poker. Mon jeu est solide, exploitant et je crushe les petites limites : pour écrire cet article, j'ai mis à jour mes statistiques et notamment mon taux de gain qui s'élève à 10 bb/100 mains. C'est immense et personne n'atteint ce niveau, car au-delà de 4-5 bb/100, il convient de monter de limite pour augmenter ses gains et c'est donc ce que tout joueur cherchant à gagner vraiment de l'argent avec ce jeu fait.

Bref, je suis devenu en quelques années un solide amateur et c'est tout ce que j'ambitionnais, je ne pense pas consacrer plus de temps à ce jeu que ce que j'ai fait jusqu'à présent et donc je ne passerai sans doute jamais ce stade, mais je suis content du chemin accompli et de ce que le poker m'a apporté.

Je vais pouvoir cocher cet objectif dans ma liste de choses à faire et clôturer ainsi cette série d'articles !

jeudi 5 janvier 2023

Bilan de mes lectures 2022 (moi aussi je peux faire comme dans un blog littéraire branché !)

Cette année 2022, j'ai décidé de m'inspirer d'une tendance repérée en janvier sur des blogs littéraires et de prendre des notes sur mes diverses lectures. Pas de manière aussi poussée que ce que j'ai pu faire pour la notation de nouvelles. Et, contrairement à ce que j'ai pu lire parfois, en me focalisant uniquement sur les "vrais livres", pas les BDs ou les lectures en ligne parce que ça ferait un peu trop.

Cette année, j'ai donc lu huit livres. En tout cas, j'ai pris le temps de rédiger un petit texte pour huit d'entre eux... C'est après cette phrase qu'en général, l'auteur fait un petit bilan par rapport aux années précédentes ou à ses objectifs, mais comme je n'avais ni l'un, ni l'autre, on va directement passer à la revue des ouvrages.

Tout ce qui suit est un énorme divulgâchage en règle, ne le lisez pas si vous n'aimez pas être spoilé, je ne fais aucunement attention à ce que je peux révéler ci-dessous puisque je suis à peu près le seul à le lire et que l'idée est également de stocker ces lectures dans ma mémoire externe... Donc je fais presque attention à divulgâcher le plus possible en fait.

Au soleil redouté (2020) - Michel Bussi

Le dernier Michel Bussi (jusqu'au prochain) est le premier livre que j'ai lu cette année, avant de prendre la décision d'écrire cet article. Je n'ai donc pas pris de notes spécifiques et son souvenir est déjà un peu vague lorsque j'écris ces lignes.

Il s'agit d'un thriller à la Dix petits nègres euh, pardon, à la Ils étaient dix, avec cinq lectrices invitées à un atelier d'écriture sous les tropiques qui sont peu à peu décimées par un tueur en série... Comme dans Les nymphéas noirs, l'astuce utilisée par Michel Bussi est évidemment assez originale, mais on a toutefois un peu l'impression de se faire avoir... Divulgâchons : les cinq lectrices apprenties écrivain rédigent un manuscrit durant leur séjour, dans lequel elles s'inspirent évidemment des évènements qui leur arrivent durant leur séjour marquisien. Bien qu'il nous répète en boucle que jamais il ne mentira dans ce document, l'auteur oublie habilement de nous prévenir qu'on saute du roman d'une des lectrices à celui d'une autre, si bien que ce qu'on prend pour le récit de Clémence est en fait écrit par Martine, etc. Il est donc facile de cacher les agissements de l'une ou de l'autre mais la gymnastique est évidemment périlleuse et, même si le tout est globalement assez bien maitrisé, le roman ne résiste pas à une relecture scrupuleuse qui met en exergue quelques incohérences inévitables. Assez en tout cas pour me décevoir à la fin, mais il faut dire que je suis particulièrement scrupuleux à ce que l'effort de suspension de mon incrédulité soit récompensé à sa juste valeur... Or ici, j'ai l'impression que le contrat n'est pas tout à fait rempli.

13 à table ! 2016 - Collectif

Voir cet article détaillé

Le Prieuré de l'Oranger, tome I (2019) - Samantha Shannon

Pas un roman que j'aurais choisi spontanément puisqu'on est dans un registre que je fréquente assez peu, de l'heroic fantasy a priori (je suis pas un spécialiste de la classification non plus, hein ?), même si je l'ai fréquenté et apprécié chez JRR Tolkien bien sûr.

Ici, on est plongé dans un univers complet et vaste, dans lequel on retrouve et identifie énormément de traits de notre monde réel du Moyen-Age (la Vertu pour la chrétienté, le Sud avec les musulmans, à l'Est les asiatiques isolés et leurs traits culturels, etc.). On n'est donc pas vraiment dépaysés et pourtant, on passe pas mal de temps à vérifier les lieux sur les cartes géographiques présentées au début (j'adore !) ou à se remémorer quel personnage est qui. Honnêtement, je pense qu'il y en a un peu trop et le fait que l'histoire se déroule en parallèle mais presque sans aucun lien entre l'Ouest et l'Est (puis même le Sud dans un deuxième temps), rend le tout assez difficile à suivre.

En revanche, c'est plutôt bien écrit et le rythme narratif est excellent et pousse à vouloir toujours lire le chapitre suivant pour découvrir ce qui va arriver à notre Reine d'Inys, à notre dragonnière asiatique (euh pardon, estienne) fautive ou à l'Ambassadeur de la Vertu plongé au cœur de la renaissance du Sans-Nom...

Un point spécifique, qui a sans doute justifié ce cadeau de Noël si particulier, est la volonté de l'auteure à déconstruire les clichés sexo-binaires de nos représentations du monde : à l'Ouest, on suite les péripéties politiques d'un Reinaume (jolie traduction de Queendom je présume) et les différents protagonistes semblent tous être attirés indifféremment par des partenaires amoureux des deux sexes. Bref, un monde parfaitement bisexuel et accepté pour tous comme tel. On a également une représentation caricaturée du racisme généré par la religion et l'ignorance qu'elle implique de l'Ouest envers l'Est et on imagine assez bien que durant la résolution de l'intrigue qui interviendra sans doute dans le second tome, seule la transcendance de cet obscurantisme permettra de sauver le Monde des forces du mal. Bref, une écriture un peu woke, mais pas désagréable pour autant. Si j'en ai l'occasion, je lirai sans doute avec plaisir le tome II.

La plus secrète mémoire des hommes (2021) - Mohamed Mbougar Sarr

Et ouais, le Goncourt, rien que ça pour continuer les lectures de l'année !

Impressions mitigées pour cet ouvrage atypique, qui s'apparente plus à un manuel de philosophie initiatique qu'à un roman. On ne retrouve pas en tout cas la structure classique d'arc narratif et la "chute" n'est ni spectaculaire, ni inattendue mais ce n'est pas l'effet recherché... Bref, c'est évidemment un peu déroutant.

Le style interpelle également : mêlant des termes très érudits au pire langage ordurier de la rue, qui traduit bien je pense la façon dont on peut penser lorsqu'on possède à la foi la culture et l'extraction sociale de l'auteur.

L'ouvrage est également déroutant par l'enchevêtrement de récits des nombreux personnages, emmêlés dans une trame commune et sans doute finement réfléchie qui tisse un canevas complexe dans lequel transparaît le message complet de l'auteur.

Le tout donne une impression d'énorme densité de messages transmis, de mises en abîme continuelles entre l'auteur, le narrateur et le héros, qui mériteraient sans aucun doute une deuxième lecture (voir plus) pour tenter d'en appréhender la quintessence. C'est souvent profond, très bien analysé et sans aucun doute polémique.

Citons pêle-mêle les thèmes de l'introspection de l'écrivain, l'histoire de la littérature en général ou l'allégorie de l'africain métissé et "blanc à l'intérieur". Le tout avec de nombreuses références à la culture africaine plus ou moins métissée par l'Occident, comme le montre l'importance de la sorcellerie dans l'ouvrage. Donc, un livre dense, riche, sans doute beaucoup plus complexe que ce que ma lecture dilettante a pu en retirer. Sûrement également prétentieux et exagérément ampoulé. Bref, une œuvre collant parfaitement à l'image que j'ai d'un roman primable au Goncourt...

E=mc² mon amour (1977) - Patrick Cauvin

Histoire qui m'a beaucoup touché, probablement par effet d'identification à ces jeunes surdoués et parce que ce qu'ils vivent (décalage et précocité) fait écho dans un certain sens écho à ma propre adolescence. 
La dualité de point de vue est plutôt réussie. L'exercice est difficile et je me souviens avoir remarqué quelques minimes anicroches que ne j'ai pas même notées : je suis sans doute trop pointilleux et  impliqué pour objectivement juger (je pense que je m'attends trop à ce que les sentiments exprimés collent parfaitement à ce qu'aurait été mon ressenti dans la situation. Or j'étais un peu plus intégré à la communauté que ces deux-là je pense, un peu moins en décalage) 
Ce roman est également une formidable analyse de l'enfance, du temps qui passe et de la question de la permanence de l'identité. On peut légitimement se poser la question : suis-je la même personne que lorsque j'étais ado ? De la même manière que les héros réalisent qu'ils seront différents dans une dizaine d’années... 
Première réflexion : heureusement que je n'ai pas lu E=mc² mon amour à 12 ans, cela m'aurait sans doute encore plus plongé dans une recherche d'absolu amoureux et relationnel et accru les questionnements métaphysiques angoissants que je refoule depuis toujours... 

Un amour (1963) - Dino Buzzatti

On dit de Buzzatti que son métier de journaliste lui a donné l'habitude d'utiliser des thèmes et des récits de la vie quotidienne et d'en faire ressortir l'aspect fantastique. Dans un style kafkaïen (l'homme impuissant face au monde) et surréaliste (avec une vision onirique).
C'est exactement le sentiment qu'on peut avoir lorsqu'on lit Un amour. A partir d'une situation banale, éternelle et intemporelle (sauf peut-être à notre époque) à savoir la fréquentation par des hommes établis de prostituées plus jeunes dont ils s'amourachent, il parvient à faire s'ouvrir sous les pieds du lecteur le gouffre existentiel et vertigineux qui nous saisi lorsqu'on se met à réfléchir au sens de la vie, au temps qui passe, tout ça... Précipice du bord duquel on préfère généralement s'éloigner de quelques pas pour ne pas être happé par l'insoutenable vérité de la vanité de nos existence. Ben, le héros, lui, il est bien happé je peux vous le dire, par le temps, la jeunesse, la perfidie innocente des petites ingénues qui peuvent rendre fou un homme, au propre comme au figuré.

Bilbo le Hobbit (1937) - J.R.R. Tolkien

On ne peut pas à proprement parler de découverte en évoquant ma lecture de ce roman en cette fin d'année. En effet, j'avais découvert Tolkien dans la bibliothèque du collège en sixième et j'avais souvenir d'avoir adoré cette incroyable aventure de hobbit, nains, elfes et dragons, dans un univers d'une richesse incroyable... J'avais lu dans la foulée la trilogie du Seigneur des Anneaux, je l'ai relue il y a quelques années et j'avais enchainé sur les films, mais je n'ai pas encore vu le Hobbit qui a priori s'inspire des aventures de Bilbo. C'est donc avec juste quelques souvenirs que j'entamais la relecture tant d'années plus tard.
Le plus marrant je crois, ce n'est pas ce que j'ai pensé de l'histoire, du style ou de l'écriture de Tolkien. Il n'y a pas besoin de mon analyse pour qu'on sache que c'est un génie et que ce roman est super et à conseiller à tous... Non, le plus drôle, c'est, je crois, les surprises que j'ai eu par rapport à mes souvenirs.
La première étant que je ne me souvenais pas que le livre était si court, si rapide à lire... Ça m'a rappelé une sensation que certains connaissent sans doute. Mais pour ça, il faut avoir déménagé dans son enfance... Alors, quand, adulte, on retrouve un banc, un mur, une cour de récréation et qu'on s'aperçoit que ce qu'on se rappelait inatteignable, infranchissable ou très étendu est en fait de taille beaucoup plus raisonnable que dans son souvenir. Là, pour Bilbo le Hobbit, c'est la même chose. J'ai mis des heures de perm' à le lire, à un rythme probablement bien inférieur à ma vitesse de lecture actuelle, si bien qu'il m'a semblé bien plus court maintenant.
Et ma seconde surprise a été la grande faiblesse de l'interaction entre Smaug le dragon et Bilbo... Ils ne se rencontrent qu'une fois et demi, discutent à peine, alors que je me souvenais d'une intensité dramatique bien plus intense, de mille ruses de Bilbo et d'une mort bien plus spectaculaire pour notre terrible gardien de trésor. Pareil pour le concours d'énigmes avec Gollum... Bref, dans mes souvenirs, le roman était quand même vachement plus épique !

Code 612 : qui a tué le Petit Prince ?(2022) - Michel Bussi

On finit l'année littéraire comme elle avait commencé, en lisant le cadeau de Noël destiné à mon épouse qui adore Michel Bussi... Et on a ici tout ce qui fait un bon Michel Bussi... Des références très étayées sur Saint-Ex et son Petit Prince, des tas de renvois et de coïncidences qu'on trouvera sans doute incroyables si on l'a relu ou qu'on le connait bien. Qui seront sans doute moins spectaculaires et plus discutables si on connait TRÈS bien le Petit Prince, mais je suis sans doute un peu médisant, car, je ne fais clairement pas partie de cette catégorie (je l'ai lu une fois, au collège sans doute, et je n'ai jamais considéré que c'était le roman du siècle...)
Et puis, on a de jolis tours de passe-passe. Ça faisait longtemps que je n'ai pas mis en garde mon lecteur imaginaire mais je vais divulgâcher : j'ai bien aimé par exemple le fait qu'il n'y ait qu'un habitant dans le royaume imaginaire écossais (ça doit faire écho au roi solitaire sur la planète dans la version originale saint-exupérienne, mais c'est bien écrit par Bussi quand même), et bien sûr le fait que les meurtres n'en soient pas, même si on se doutait que ce serpent dans une boîte, ce n'était pas très crédible...
Bref, un agréable moment de lecture, une bonne cuvée qui n'est pas cette fois gâché par des ficelles trop grosses ou des incohérences. Un roman dévoré d'une traite comme à chaque fois, une recette efficace pour nous pousser à toujours lire le prochain chapitre, mais la sensation malheureusement inéluctable de ne pas retrouver l'exaltation de la découverte de ce style si particulier... On n'est plus surpris d'être surpris en quelque sorte, mais on lira sans doute le cru 2023 avec la même curiosité.

mardi 10 mai 2022

Critique des nouvelles du recueil : 13 à table ! (2016)

Suite logique de notre premier article de critiques de nouvelles concernant le premier opus de la série 13 à table ! voici la critique du deuxième opus, regroupant douze nouvelles sur le thème "frères et sœurs"... Je considérerait qu'on peut traiter le sujet soit sur le thème de la fratrie, soit sur celui, plus en ligne avec les Restos du Cœur, de la fraternité... Avec bien sûr un petit bonus aux auteurs combinant les deux sujets.

Tout d'abord, un petit condensé des quelques notations que j'ai pu dénicher sur Internet. J'en ai trouvé moins que pour le premier recueil. La note est donc moins significative, mais la tendance générale se détache quand même un peu.

Plus clairement, de la meilleure à la moins bonne note :

  1. Aleyna de Karine Giebel (4.1 / 5)
  2. La Seconde Morte de Michel Bussi (3.9 / 5)
  3. Karen et moi d'Agnès Ledig (3.6 / 5)
  4. Ceci est mon corps, ceci est mon péché de Maxime Chattam (3.4 / 5)
  5. Jumeaux, trop jumeaux de Bernard Werber (3.2 / 5)
  6. La Main sur le cœur de François d'Épenoux (3.1 / 5)
  7. Le Premier Rom sur la Lune de Romain Puértolas (3.0 / 5)
  8. Fils unique d'Alexandra Lapierre (2.9 / 5)
  9. Cent balles de Françoise Bourdin (2.6 / 5)
  10. La Robe bleue de Nadine Monfils (2.5 / 5)
  11. Tu peux tout me dire de Douglas Kennedy (2.3 / 5)
  12. Frères Coen de Stéphane De Groodt (2.2 / 5)

On retrouve en effet à la lecture des avis non notés, un coup de cœur presque unanime pour le très beau texte de Karine Giebel, ainsi qu'une adhésion très forte aux nouvelles de Michel Bussi et Agnès Ledig. A contrario, les productions de Nadine Monfils et Douglas Kennedy n'ont pas emporté l'adhésion des critiques. Les avis sur les autres nouvelles sont toujours partagés, avec une mention spéciale pour Frères Coen de Stéphane de Groodt, adoré par un petit nombre et rejeté en masse comme hors sujet ou incompréhensible pour la majorité.

Passons à présent au détail de mes notations de chaque texte critère par critère et à toutes mes remarques concernant ces textes. Si vous n'avez pas encore lu le recueil, je ne peux que vous conseiller de stopper ici la lecture de cet article, le plaisir de la découverte serait sans aucun doute complètement gâché par les révélations qui suivent.

Cent balles de Françoise Bourdin (10.5 / 20)

Respect du thème : (2 / 2)

Une histoire de fratrie où la fraternité est bien mise à l'honneur. Thème doublement respecté.

Style : (2 / 5)

Les personnages sont caricaturaux, les lieux communs se comptent par dizaine (le bohème qui se nourrit de pizzas vs. le travailleur qui, accaparé par son job, perd le contact avec son fils. Conséquence, bien sûr, le fils se drogue...)
Introduction longuette et décousue ; on passe d'un personnage à l'autre sans lieu. Il y a sans doute moyen de présenter l'intrigue et de faire ressentir l'ambiance et ses enjeux particuliers plus sobrement et élégamment.
Point positif, la façon dont est traitée la description de la complexité des sentiments, le cœur du héros qui balance entre raison et amour et qui finit par faire son choix.

Construction : (2 / 5)

Un peu de tension mais rien d'extraordinaire. On devine que le fils se drogue bien avant que cette "révélation" n'arrive. Quelques points dans la construction qui auraient été dérangeant (pourquoi, alors qu'il a réussi à être contacté avant, le fils appelle du téléphone de l'oncle par exemple) qui sont bien anticipés.

Dénouement : (3 / 5)

Première chute assez bien amenée : c'est le fils et non le frère qui est rentré en taxi et qui finalement, préfère son oncle. Bien joué l'idée de nettoyage de la banquette à cause du sang tout en laissant penser à tous qu'il s'agit de vomi.
Vient ensuite la conclusion sur la confiance apportée à son frère, la force du lien. Mais j'aime peu l'idée de donner tout l'argent comme s'il lui confiait toute responsabilité dans l'éducation et la paternité, c'est certes symbolique mais trop irréaliste à mon avis.

Avis / problème : (1.5 / 3)

Nouvelle assez plate, mise en place longue, lieux communs, artifices narratifs grossiers. Fin acceptable dans la narration mais l'essentiel du message est ailleurs, avec l'introduction habile d'une morale qui peut sembler un naïve mais qui décrit joliment l'ambivalence du sentiment entre frères, entre condamnation des comportements différents et tendresse ; l'amour l'emportant évidemment à la fin.

Résumé : 

Charles a réussi dans la vie. Ce n'est pas vraiment le cas de son frère Florian qui lui tape 100 balles régulièrement. Mais au fond Charles se complaît dans cette relation, et quand le fils de Charles a des ennuis, c'est son oncle qu'il appelle spontanément et Charles en est finalement reconnaissant à Florian.

La seconde morte de Michel Bussi (17.5 / 20)

Respect du thème : (1.5 / 2)

La relation d'une fille avec sa grande sœur.

Style : (4.5 / 5)

Impeccable, sobre et efficace, au service de la narration.

Construction : (5 / 5)

Intrigue très bien menée, petits indices distillés subtilement (page Facebook à effacer) et fausses pistes crédibles (demi-sœur ?) qui masquent bien la réelle chute. L'héroïne n'est pas totalement folle et nous apparaît presque normale mais prise dans la spirale du mensonge ce qui rend l'identification possible et donc démultiplie l'impact de la nouvelle.

Dénouement : (5 / 5)

Presque inattendu jusqu'à la fin, bien expliqué en quelques phrases, pas besoin aller plus loin dans les conséquences et donc la fin reste également ouverte, on nous laisse imaginer la réaction du marié...

Avis / problème : (1.5 / 3)

Alexandra Leroy existe-t-elle vraiment (celle de l'école) et dans ce cas peut être contactée par ailleurs et il est étonnant que personne ne l'ait fait en tellement d'années. Et si c'est une pure invention, comment expliquer l'existence des photos et l'absence d'autres traces de son travail que sur Facebook et Instagram par exemple...
A la première lecture, je dirais que le tout reste crédible car bien expliqué. Mais en y repensant et en pinaillant, on peut remettre en cause la crédibilité de la situation.

Résumé :

Aurélie vit dans l'ombre de sa grande sœur Alexandra. A l'école, les professeur espéraient qu'elle serait aussi douée, même chose dans son travail. Tout le monde s'intéresse à Aurélie d'abord par fascination pour Alexandra. Même son copain tentera de la tromper avec elle, à tel point qu’Aurélie rêve de la supprimer. Mais Alexandra vit loin, donne rarement des nouvelles et est coupée de la famille et la vie se passe bien pour Aurélie, qui profite du halo de sa sœur pour briller modestement : bon job, bébé en vue et bientôt le mariage auquel Alexandra n'est pas conviée, au grand dam du patron d’Aurélie qui a toujours rêvé de se rapprocher de la star Alexandra par l'entremise d’Aurélie, et surtout du nouveau mari, qui, bien éméché, n'y tient plus et aborde le sujet absolument tabou avec ses beaux parents... Pour se rendre compte qu’Aurélie est fille unique et s'est depuis toujours inventé une grande sœur.

Ceci est mon corps, ceci est mon péché de Maxime Chattam (12.5 / 20)

Respect du thème : (2 / 2)

Frères et sœurs illégitimes deviennent un repas. Jolie combinaison du thème de l'année avec celui de l'année précédente et/ou le titre du recueil.

Style : (4 / 5)

Bien écrit, sobre et efficace dans l'ensemble. Quelques belles tentatives d'images (points reliés pour dessin d'ensemble, malheureusement lourdement expliquée ensuite, comme pour abaisser au niveau lecteur moyen), "horreur à digérer", "la vérité est une pute" . Un peu de lourdeur et de lieux communs pour tenter de faire passer l'horreur : "comme si la lumière vacillait", picole pour oublier...
Comme l'année dernière, l'introduction est particulièrement soignée : on imagine sans en être sûr qu'on parle d'un tueur. Pas de surprise qui l'aurait rendue magistrale mais très bon incipit tout de même.

Construction : (3.5 / 5)

Maxime Chattam décrit méticuleusement tous les éléments connus qu'on apprend en même temps que le héros. Tout est sans faille et parfait pour préparer une belle chute et une révélation fracassante et surprenante sauf que..

Dénouement : (1.5 / 5)

... il n'y a pas de chute ! Au final on ne l'attrape pas. Si bien que cette jolie construction est d'autant plus facile à échafauder qu'il n'est pas nécessaire d'y prévoir la brèche dissimulée qui permettra de tout faire s'effondrer. On reste donc sans réponse, et sans piste, sur comment le tueur trouve ses victimes, le lien avec les consommateurs, la motivation, etc. On comprend avec le titre que le mobile est de faire expier la faute adultère dans une espèce d'eucharistie, mais l'hypothèse surnaturelle n'est pas vraiment satisfaisante ni crédible de la part d'un enquêteur, et le conseil final "faites attention aux food-trucks et à ce que vous mangez, ou qui vous mangez" ne fait pas vraiment peur ni ne pousse à la réflexion...

Avis / problème : (1.5 / 3)

On sort un peu de l'histoire à cause de questions artificielles du héros qui découvre la situation : l'auteur utilise ce fâcheux artifice d'exposer le drame via les dialogues plutôt que d'écrire des conversations naturelles.
Petit soucis de timing avec 70 crimes restreints sur une partie de l'automne seulement, ce qui rend le nombre peu crédible... Pourquoi d'ailleurs restreindre l'activité du tueur sur cette période, j'avoue ne pas avoir compris le message.

Résumé : 

Le héros, enquêteur au FBI, se retrouve confronté au plus gros dossier de serial killer de l'histoire : un homme enlève des enfants illégitimes, les transforme en burgers pour les servir à ses demi-frères et sœurs... Après des années de traque où le meurtrier ne semble faire absolument aucune erreur et ne laisse aucune trace, il est repéré mais finit par échapper une fois encore aux policiers à la dernière minute en se faisant remplacer.

Frères Coen de Stéphane de Groodt (9.5 / 20)

Respect du thème : (1 / 2)

Certes, on parle des frères Coen, mais la fratrie n'est pas vraiment au centre du texte. Le jeu de mot sur l'assesseur porte la note à 1/2

Style : (4.5 / 5)

Tout en jeux de mots et tout pour le jeu de mots... Un exercice parfaitement maitrisé. Ce texte est en fait une jubilatoire chronique radiophonique. Cela reste très efficacement drôle même si ça passe un peu moins bien à l'écrit.

Construction : (1 / 5)

Ce texte n'est pas une nouvelle... Histoire décousue et sans intérêt, simple prétexte aux calembours (au sens large, je ne saurais noter toutes les figures de style utilisées ici...)

Dénouement : (0 / 5)

Fin de l'histoire sans chute évidemment. On ne déniche pas non plus de message particulier ou de deuxième niveau de lecture derrière les jeux de mots.

Avis / problème : (3 / 3)

Texte très drôle et particulièrement plaisant. Succession effrénée de jeux de mots habiles qui tient plus du sketch ou de la chronique radiophonique que de la nouvelle. Je comprends que tout le monde n'accroche pas et l'avalanche de mauvaises critiques, mais, personnellement, je suis très client et ce texte reste jubilatoire à la lecture.

Résumé : 

Le héros nous entraîne sans trainer dans sa quête inquiète d'une interview des Frères Coen...

La main sur le cœur de François d'Épenoux (14 / 20)

Respect du thème : (2 / 2)

Une mère tente de réconcilier ses enfants. Une fratrie dans laquelle la fraternité refera finalement surface.

Style : (2 / 5)

De nombreux lieux communs pour introduire cette histoire (dispute autour d'un héritage, mère malade). C'est toujours efficace pour poser une situation rapidement dans une nouvelle en faisant appel à des constructions connues, mais je trouve le procédé un peu facile et superficiel.

De nombreuses images un peu douteuses : personne ne pique ses épingles de couture sur son bracelet avec une application de sorcier vaudou. On parle d'un "drame" pour évoquer une banale bagarre entre ados. Ce genre de construction est de nature à me sortir facilement de l'histoire.

Le ton badin de la narration fonctionne généralement plutôt bien mais tombe parfois à plat (comme cette conversation du soir imaginée après avoir croisé Napoléon ou les réponses aux questions de la chanson de Bruel).

Construction : (4 / 5)

Le "drame" de la bagarre entre héros et Sophie n'est pas très spectaculaire : juste petite anecdote qui ne sert à rien dans la narration. Sans ces quelques longueurs et style, on est bien mené jusqu'à cette scène de reconstitution grotesque et on y croit.

Dénouement : (4.5 / 5)

Au final, l'astuce maternelle semble fonctionner car les sœurs rient comme les fillettes qu'elles étaient. L'auteur ne tombe pas dans le piège d'expliquer lourdement pourquoi c'est si important pour le héros mais on comprend que ce rire trahit la persistance des sentiments fraternels sous le vernis adulte. Cette chute est finement suggérée sans explication redondante, notamment avec le petit jeu de mots final sur le sourire conquérant de Napoléon.

Avis / problème : (1.5 / 3)

Beaucoup de regrets sur le style, qui plombe un peu l'impression générale. Nouvelle à message qui est finalement bien porté, mais on peut déplorer quelques longueurs.

Résumé : 

Pour tenter de réconcilier ses trois enfants brouillés à cause de l'héritage de leur père, une mère a l'idée saugrenue de reconstituer la scène d'une photo costumée de leur enfance. 

Alors qu'ils s'exécutent à contre cœur et ridicules dans leurs costumes enfantin, le héros a une crise cardiaque qui passe d'abord pour de la comédie et qui déclenche le rire enfantin de ses sœurs. Cette réaction spontanée trahissant des sentiments fraternels intacts derrière les dures façades d'adultes.

Aleyna de Karine Giébel (18 / 20)

Respect du thème : (1.5 / 2)

Le point de vue de deux jumeaux sur une même histoire de famille.

Style : (4.5 / 5)

Belle utilisation de la dualité des points de vue qui permet de comprendre l'engrenage infernal dans le quel le frère se retrouve entraîner à participer à un crime sans y avoir consenti. Le dialogue intérieur de la sœur permet de ressentir le poids de la tradition quand on remarque qu'elle s'en veut de se rebeller et de n'être point soumise.

Certaines images sont un peu usées et maladroites (le corset des traditions, le silence qui s'abat comme une coulée de plomb).

La fin est magnifique et le style retranscrit si bien les pensées qui traversent les esprits au moment fatidique que les larmes me sont venues.

Construction : (4.5 / 5)

Belle montée de la tension dramatique, avec la mise en place de l'engrenage implacable. Pas de temps mort dans la construction. Bonne utilisation du double point de vue qui apporte vraiment quelque chose et permet d'introduire naturellement l'excipit.

Dénouement : (5 / 5)

La surprise de la chute a été bien ménagée et permet de parfaitement laisser transparaître la stupeur d'Aleyna. Le tout génère un fort impact émotionnel par la révélation de l'existence de telles horreurs tellement éloignées de notre quotidien et mode de pensée occidental. L'excipit explicatif remet bien en perspective la froideur des chiffres avec la réalité dramatique de ce seul cas particulier, permettant d'apporter un transition glaçante entre la fiction et la réalité.

Avis / problème : (2.5 / 3)

Une nouvelle parfaite si on fait exception de l'utilisation de quelques images maladroite qui, au final, ne font pas sortir de l'histoire. Cette nouvelle suscite toujours une forte émotion sur moi, même après plusieurs lectures. Pour pinailler, une petite interrogation : comment le frère sait-il qu'il y a du sang sur les draps ?

Résumé : 

Aleyna, lycéenne française d'origine turque tente d'échapper à son mariage forcé en fuguant chez son petit copain et en se donnant à lui. Malheureusement, son père et ses frères la retrouvent en faisant pression sur sa meilleure amie, et , lorsqu'ils comprennent ce qui s'est passé, le poids de la tradition les force à la tuer pour laver l'honneur familial. Aleyna n'est qu'une des 5000 victimes annuelles de ces féminicides d'un autre âge commis au nom de l'honneur.

Tu peux tout me dire de Douglas Kennedy (9 / 20)

Respect du thème : (1 / 2)

Trahisons dans la famille, plus entre tante et neveu ou mari et femme que réellement entre frères et sœurs...

Style : (4 / 5)

Agréable, description réussies des ambiances, ressentis et souvenirs. Cependant, je fais remarquer que je note ici le texte traduit en français, je ne sais quelle part de ce style agréable en incombe au traducteur ou à l'auteur original...

Construction : (1 / 5)

Les confidences sont bien expliquées par la relation spéciale avec sa tante qui sont bien décrites. Cependant, le cadre est posé trop longuement, avec des détails et des précisions qui n'ont pas d'intérêt dans la construction dramatique (comme la voix artificielle de l'oncle par exemple).

Finalement, l'intrigue se développe principalement grâce à un lieu commun facile qui est utilisé pas moins de trois fois : l'alcool qui délie les langues (le père, puis l'auteur, puis la sœur qui ne sait plus tenir sa langue après deux verres). On a vu plus original et convainquant.

Dénouement : (1 / 5)

C'est un doux euphémisme que de dire que la chute n'est pas vraiment incroyable. Et que la morale finale tombe un peu à plat. On ne comprend pas trop quelles sont les conséquences de cette histoire qui feraient qu'on s'en soucie encore, surtout trente ans plus tard...

Avis / problème : (1 / 3)

Cette histoire ressemble beaucoup plus à un souvenir, à une expérience personnelle qu'à une nouvelle, tant par les détails inutiles qui y sont inclus que par l'apparente platitude lorsqu'elle est observée d'un point de vue extérieur. Si bien que la morale résonne sans doute beaucoup plus pour l'auteur que pour le lecteur.

Résumé : 

L'auteur se souvient de sa vie, de son passé familial et particulière d'un soir où, après une dispute conjugale, il s'épand auprès de sa tante jusqu'à confier l'infidélité de son père qu'elle ignorait. Il le regrettera bien vite lorsque son père le tancera d'avoir révélé ce secret et qu'il craindra pendant bien longtemps que sa tante ne révèle tout ce qu'il lui a confié ce soir-là.

Fils unique d'Alexandra Lapierre (11 / 20)

Respect du thème : (1.5 / 2)

Un fils unique à la découverte de sa fratrie cachée.

Style : (3.5 / 5)

Belle écriture, concise et efficace. Pas de fulgurance ni de spéciale beauté littéraire. Exercice épistolaire manquant un poil de réalisme.

Construction : (3.5 / 5)

Rythme correct après une mise en place efficace, complète sans être trop longue qui laisse parfaitement transparaître l'état d'esprit du héros (qui n'est pas évidente à dépeindre). Jalons corrects pour la double chute (le 1er est le fils de sa mère, et son père a bien un enfant caché)

Dénouement : (1.5 / 5)

Épilogue en double chute, mais pas vraiment de clôture... Ces deux chutes ont finalement l'intensité dramatique d'un simple rebondissement dans un roman.

Pour la première chute, on apprend que le fils caché n'est pas du père mais de la mère : et alors ? Si la morale est qu'une famille se base sur des faux-semblants, la manière d'apporter le message n'est pas très efficace...

Et deuxième chute semble très superficielle et finalement n'apporte pas grand chose.

Avis / problème : (1 / 3)

Le style élégant et la jolie construction sauvent une histoire qui ne mène à rien...

J'ai également été gêné par l'artifice qui fait arriver les lettres pile au bon moment pour répondre aux questions que se posent le héros, ou par le fait que la sœur se manifeste si tard et si familièrement...

Résumé : 

Paul adore les familles nombreuses. Malheureusement pour lui, il est fils unique, ses parents âgés disparaissent assez vite et lui-même ne peut pas avoir d'enfants. Quand il découvre une vieille aventure paternelle et que se présente la perspective que son père ait eu un fils caché, il espère découvrir un demi-frère qui lui ressemble mais est extrêmement déçu par sa rencontre, jusqu'à ce qu'il réalise que cet homme est en fait le fils caché de sa mère pour laquelle nul n'aurait pu imaginer tel écart de jeunesse.

Finalement, une femme se manifeste. Elle est le fruit de l'aventure de jeunesse de son père... Paul n'est plus vraiment fils unique finalement.

Karen et moi d'Agnès Ledig (14 / 20)

Respect du thème : (1 / 2)

La rencontre et la relation d'un homme et d'une femme, lesbienne, qui s'apparente à un amour fraternel.

Style : (4.5 / 5)

Belle écriture pleine d'images efficaces : les "lambeaux de soi" pour évoquer téléphone ou sac qu'on ne veut pas abandonner. "Un détroit reliant deux mères". Métaphores filées de la petite souris et du tabac, des menstrues. À regretter, le petit lieu commun sur caractère du héros qui a peur de l'engagement...

Construction : (3.5 / 5)

Fluide, efficace, qui tend bien vers la résolution sans anicroche ni de réelles montées de tension. L'écriture tient plus du récit d'anecdote ou de tranche de vie que de nouvelle.

Dénouement : (3 / 5)

Pas de chute ni de résolution puisque pas de tension. Une petite morale certes : qu'importe la destination de la vie, c'est les personnes avec qui on fait le voyage qui comptent... C'est un peu tordu pour coller au thème mais tellement bien écrit que, si l'auteur n'était une femme, on prendrait ce texte pour une auto-biographie, qui génère donc émotions et une certaine identification.

Avis / problème : (2 / 3)

Exagération peut-être de l'importance et de la systématicité du désir masculin et de la supposée déception à le sacrifier... A contrario, il est étonnant que le héros n'ai pas pensé une seconde à tenter de "retourner" l'homosexualité de Karen. C'est pourtant un fantasme classique. Il est donc surprenant que le désir initial soit si facilement remplacé par de l'amitié fraternel... Pas impossible bien sûr mais cela trace un profil psychologique masculin plutôt atypique et il est facile de conclure qu'il sonne un peu faux parce que l'auteur est une femme.

Résumé : 

Le héros rencontre une jolie fille grâce à une alerte incendie nocturne à l'hôtel. Ils se découvrent une envie commune d'arrêter de fumer et finissent par trouver un palliatif : des hugs. Le courant passe tout de suite, même si la fille coupe court aux espoirs naissants de drague en annonçant son homosexualité, et Karen devient vite indispensable au héros, à tel point qu'il ira travailler dans le même journal qu'elle à Londres, côtoiera ses amies lesbiennes et deviendra père avec un couple de femmes... Bref, vivra cette vie idéale grâce à son âme-sœur et cette rencontre inopinée dans un corridor d'hôtel.

La robe bleue de Nadine Monfils (6.5 / 20)

Respect du thème : (0.5 / 2)

Les rêves romantiques de Rose, qui tient un café avec sa sœur.

Style : (3 / 5)

Écriture fleurie dans un registre populaire et belgisant qui colle bien au thème populaire. Franc et direct, sans fioriture.

Construction : (3 / 5)

Bonne montée dramatique. Rose devient de plus en plus suspecte. Flippant de voir sa sœur embaumée. On imagine toutes les révélations possibles sur son rôle dans les décès...

Dénouement : (0 / 5)

Cette histoire n'a pas d'épilogue. Elle rêve qu'elle est la victime, elle gagne le concours du jardin et c'est tout. Soit j'ai raté quelque chose, soit on s'est foutu de nous à nous emmener dans cette histoire, assez invraisemblable, pour ça.

Avis / problème : (0 / 3)

Et bien, cette histoire n'a pas d'épilogue ! Déjà qu'on a été sympas de fermer les yeux sur l'incroyable disparition non remarquée de sa sœur. Sur la folie meurtrière d'un mec qui semble stable et prendre la vie du bon côté... Et quel rapport avec jardin ? En quoi le documentaire inspire l'histoire du meurtre, du jardin ?

Résumé : 

Rose a une vie pourrie : pas belle, douée pour rien, elle a vécu une enfance terne entre les moqueries des autres et l'indifférence de ses parents. À leur mort, elle a repris leur bistrot crasseux avec sa sœur et se tape le sale boulot. Seule sa vieille chienne lui apporte du réconfort. Un jour, un mystérieux inconnu passe dans le café et Rose se met à rêver sa vie à ses côtés. Sa sœur et sa chienne décèdent et, pour les garder près d'elle, elle les fait embaumer. L'inconnu passe quelques fois, cela nourrit ses rêves, jusqu'à ce qu'un jour, il quitte précipitamment le bar et soit le lendemain accusé du meurtre d'une femme qu'il semblait attendre à chacune de ses visites. Cette nuit-là, Rose rêve que c'est elle la victime, et elle gagne le concours du plus beau jardin. Inspiré par un documentaire sur une femme vivant avec ses chiens empaillés.

Le Premier Rom sur la Lune de Romain Puértolas (14.5 / 20)

Respect du thème : (1 / 2)

Se raccroche au thème de la gémellité et tente de le développer un petit peu, mais ce n'est clairement pas au cœur du sujet.

Style : (4 / 5)

Écrit avec légèreté. Titre long, typique, qui demande immédiatement une forte suspension de l'incrédulité qui fonctionne. Plein d'humour. Concis, bon rythme sans longueur et bonne maîtrise des aller-retours entre faits, pensées et différents points de vue.

Construction : (4 / 5)

Bonne construction de l'attente de chute avec des évènements de plus en plus invraisemblables qui portent à croire que l'auteur ne pourra jamais s'en sortir. Bonne préparation de la résolution avec de nombreux éléments raccrochant ce rêve au réel et le rendant ainsi parfaitement crédible (noms, boules oranges puis multicolores...)

Dénouement : (4 / 5)

Grâce au rêve, tout est explicable et l'auteur a bien pris la peine de relier plusieurs détails à la réalité. Petit message politique à l'intérieur, un peu naïf mais assez efficace.

Avis / problème : (1.5 / 3)

Quelques détails m'ont dérangé : le sol lunaire est en régolite, pas en sable. Une canette d'alu ne peut pas se recycler en fer ou en zinc. Ce Rom a un nom très roumain.

Résumé : 

Le héros, un rom vivant misérablement de récup en France, se retrouve par erreur sur la Lune à cause de la fusée qu'il avait construit pour rejoindre Bucarest afin de fêter son anniversaire avec sa jumelle et sa fille. Alors qu'il cherche désespérément de quoi réparer pour repartir, il épuise ses maigres réserves d'oxygène et s'apprête à mourir en repensant à sa vie difficile et à celles qu'il aime. Au dernier moment, il est sauvé par 2 extraterrestres sphériques oranges s'appelant X24. Ils l'emmènent dans leur cité utopique, égalitaire et multicolore pour lui poser tellement de questions sur l'humanité qu'il en perd connaissance. Quand il revient à lui, il se retrouve mendiant avec sa sœur et sa nièce sur un trottoir de Paris. S'il ne prend pas ses gélules X24, il a des hallucinations et se retrouve "dans la lune", où il est mieux que sur Terre, mais ici, au moins, il n'a pas faillit à sa promesse d'être près de sa sœur pour leur anniversaire.

Jumeaux, trop jumeaux de Bernard Werber (10 / 20)

Respect du thème : (1.5 / 2)

Les retrouvailles de deux jumeaux monozygotes. Gémellité et même fraternité au cœur de la nouvelle.

Style : (3 / 5)

Concis et clair. Utilisation classique pour Werber des différents points de vue plutôt réussie même si l'idée qu'ils pensent la même chose est assez vite éculée et pourtant répétée à l'envi.

Construction : (3 / 5)

Bonne montée dramatique. On comprend progressivement ce qui se passe et l'utilisation des deux voix intérieures est judicieux. La vraisemblance de l'autorisation par un comité d'éthique d'un tel procédé est faible et on dérive vite sur du paranormal (Noosphere) cher à Werber. Du coup, dialogues perdent en réalisme, surtout de la part d'avocats...

Dénouement : (2 / 5)

Décevant. La phase de description de l'action est bâclée et stéréotypée. La facilité avec laquelle ils s'échappent est très étonnante. Leur destin peu clair. On sent que l'action n'est pas au cœur de la nouvelle. Or, la conclusion sur la souhaitable connexion des êtres humains via la Noosphère est discutable et ces théories de la part d'un journaliste scientifique sont toujours au moins surprenante.

Avis / problème : (0.5 / 3)

Scénario invraisemblable. Comment s'échapper si facilement alors que la police semble se méfier ? Côté gourou new age de Werber dérangeant.

Résumé : 

Deux jumeaux séparés à la naissance sont réunis par le FBI dans le cadre d'une enquête criminelle. En effet, on a remarqué que bien qu'élevés dans des cadres très différents, leurs vies sont exactement identiques.

Or, un des jumeaux a tué son patron tandis que le patron du second a été retrouvé mort sans qu'on puisse confirmer les soupçons pesant sur lui. On espère donc que cette rencontre, désirée par les frères, fasse avancer l'enquête.

Très vite, tous constatent qu'un lien invisible fusionnel les relie et l'électrochoc attendu se produit. Le suspect avoue le crime tandis que son frère en profite pour voler une arme. Ils s'enfuient au Canada avec comme otage la chercheuse qui a organisé leur rencontre et qui est comblée d'avoir permis les retrouvailles de ces êtres si parfaitement complices. Et elle ne peut s'empêcher de rêver au jour où l'humanité arriverait à un tel état parfait de connexion collective...

mercredi 13 avril 2022

Petites études statistiques sur les métaux précieux

Un article très concret sur un sujet qu'on peut sans trop hésiter qualifier de niche... Une étude statistique sur la teneur en métal précieux de divers objets, pour faciliter l'estimation lors des enchères...

Plumes en or :

J'ai pu peser une dizaine de plumes.

18 carats : 8 plumes, poids en gramme de 0.16 - 0.19 - 0.24 - 0.28 - 0.29 - 0.36 - 0.38 - 0.41... Moyenne = 0.29 g
14 carats : 2 plumes, poids de 0.23 g et 0.25 g...
Intéressant : une plume en argent plaqué or pesant 0.23 g

Stylo-plume en or :

Sur ce lien, une très intéressante étude du démontage d'un stylo-plume "en or", en fait recouvert d'une feuille d'or à "éplucher" : 7.52 g de 18k net pour 21.38 g brut (35 %)

Montres en or :

J'ai procédé au même exercice avec deux petites montres-bracelets en or, de femme sans doute.

La première pesant au total 9.85 grammes pour 2.82 g d'or (29 %)

La seconde pesait 10.45 g et j'en ai tiré 3.13 g d'or (30 %)

Quelques poids intermédiaires relevés lors du démontage :
Total : 9.85 - 10.45
Boitier : 7.14 - 7.61
    dont mécanisme : 4.10 - 4.29
    dont verre : 0.22 - 0.19
    dont boitier or : 2.82 - 3.13

Bracelet : 2.71 - 2.84
    dont pattes de fixation : 0.26 - ???
    dont boucle : ??? - 0.83


Désossage de montres en or, étape par étape

Fourchettes/cuillères en argent

Pour les grandes fourchettes (plus de 18 cm), entre 45 et 90 grammes selon la finesse du design.
Les fourchettes à dessert (14-15 cm), entre 12 et 25 grammes...

Les grandes cuillères ont des dimensions similaires aux fourchettes, très variables (de 40 à 90 grammes)
Les petites cuillères vont de 9 à 15 grammes en moyenne, pour une taille d'environ 12 cm.

Couteaux, couverts au manche fourré argent :

Des tests réalisés ici donnent un résultat de 10 % d'argent net par rapport au poids brut, un peu plus de 4 grammes par couteau. En ligne avec mes expérimentations personnelles (5 grammes pour les petits, jusqu'à 10 g pour les gros couverts de service).

lundi 6 septembre 2021

Souvenirs de guerre (Suite et fin)

Troisième (et a priori) dernier de "mes" souvenirs de guerre (les épisodes 1 et 2) : deux petites anecdotes d'après-guerre qui évoquent des sentiments aujourd'hui disparus. 

La première histoire se déroule durant les années 60 dans une bourgade jurassienne. Clairvaux-les-Lacs ou Pont-de-Poitte sans doute. Une voiture allemande s'arrête devant la terrasse d'un café, un homme en descend, s'approche des consommateurs attablés à l'extérieur et leur demande poliment, avec un accent germanique prononcé, s'ils auraient l’obligeance de lui indiquer la direction de Strasbourg. Un consommateur dont j'ai oublié le nom, se lève alors d'un bond et, pris de rage, menaçant, se met à hurler sur l'allemand :
"Salaud de schleuh, va ! Remonte dans ta voiture et tire-toi de là, sale boche ! La route de Strasbourg ? Ah, tu la connaissais bien en 44 quand vous vous êtes barrés avec tes petits copains..."
L'histoire raconte que le touriste n'a pas demandé son reste et a bien vite disparu sous les bordées d'insultes de notre sympathique patriote jurassien. Pas sûr qu'il soit de nouveau venu dépensé ses deutschemarks dans la région...

Quant à mon dernier souvenir, il est moins spectaculaire mais plus personnel puisque pour une fois, j'en suis le principal protagoniste. Alors que j'étais collégien, plutôt bon élève, j'hésitais entre l'espagnol et l'allemand comme deuxième langue à étudier. L'espagnol emportait plutôt mes suffrages parce que ça me semblait à terme plus utile que l'allemand, mais l'allemand présentait l'avantage de regrouper la plupart des bons élèves de l'établissement dans une classe au niveau plus relevé qui m'aurait bien tenté. Lorsque je partageai mes réflexions avec ma grand-mère, elle me fit rapidement comprendre qu'il serait de bon ton de choisir l'espagnol et que, sans que l'allemand me soit complètement interdit, il serait préférable d'éviter de le parler en sa présence ou sous son toit.

Difficile d'imaginer de telles réflexions aujourd'hui, mais n'oublions pas qu'il y a à peine deux générations, la rancune était tenace et la haine farouche à l'encontre de nos alliés d'aujourd'hui...

mardi 31 août 2021

J'aime : écrire des messages dans les livres d'or...

Avant, j'étais comme tout le monde : je ne savais pas trop quoi écrire sur les cartes de vœux, livres d'or et autres agendas qu'on se faisait signer en fin d'année scolaire. Donc, je faisais comme tout le monde : j'écrivais une banalité d'usage, sans saveur ni personnalité et je me débarrassais bien vite de cette petite corvée pour me concentrer sur le buffet du pot de départ du vague collègue à qui on souhaitait une bonne retraite.

Et puis, un jour, dans un mariage où j'avais réussi à esquiver la corvée mais qu'on avait fini par me l'imposer en toute fin de soirée, alors que je lisais les messages précédemment laissés (peut-être pour me convaincre que quoi que j'écrive, ce ne serait pas plus tarte) j'ai trouvé marrant d'inscrire en bas d'une des premières pages : "Chut ! Le livre dort..."


Enhardi par cette première violation de la sacralité du recueil, j'ai profité d'une demi-page laissée libre pour écrire un mot de remerciement bidon signé d'un nom inventé, juste pour égayer un peu la lecture des futurs mariés par un petit débat sur l'identité de ce Charlie qui trouvait les choux à la crème si réussis. Rien de bien extraordinaire, certes, mais je débutais !

Depuis ce jour, en toutes circonstances, j'accueille la vue d'une bafouille à rédiger non plus comme une contrainte mais plutôt comme une merveilleuse opportunité de laisser libre cours à ma fantaisie créatrice. Ça me rend ce fastidieux exercice agréable, me permet de faire passer des messages parfois beaucoup plus sincères et, même si ça tombe à plat ou peut paraitre bizarre (on est pas toujours hyper-inspirés non plus), je me dis qu'on appréciera l'effort pour avoir tenté un truc original.

Bon, je vois bien que ce que vous voulez, ce sont des exemples... Malheureusement, je n'ai pas immortalisé beaucoup de ces messages et j'en ai sans doute oublié pas mal, mais quelques uns me reviennent en tête. J'ai tenté quelques poèmes pétés parfois dont j'ai bien fait d'oublier les rimes foireuses je pense. J'ai osé une longue histoire pour le pot de départ d'une jolie secrétaire qui se faisait lourdement draguer par les vieux boss de la boîte : l'idée était de pouvoir introduire une contrepèterie (elle en était friande) sans que les autres lecteurs ne s'en doutent où je lui conseillais au final de se méfier "des grands qui cherchaient à l'acculer". C'est passé crème et ça l'a bien fait marrer...
Et pour terminer j'ai trois messages dont je me souviens bien (en vrai il y en a deux que j'ai pris en photo et je viens de retomber dessus, c'est la raison première qui me pousse à écrire cet article), les voici donc :

Le premier est une petite carte, prévue juste pour ma mère et moi, pour le baptême de mon neveu et filleul (Tom, le fils de Marcel et de sa femme Clémentine). 80% de l'espace est occupé par ce message :

Coucou,

Juste un MOT pour TOM..... Ha ha ha, jeu de tom, euh, de mots... Bon, d'accord, l'inspiration est pourrie [NB : d'autant plus que Marcel avait déjà fait cette blague dans la famille, quand il nous a fait deviner le prénom de son fils en nous disant qu'il n'y avait que trois lettres qui lues à l'envers faisaient un mot... Le petit malin. Moi du coup je voulais l'appeler Luc mais ça n'a pas été retenu semble-t-il], tellement que je me suis dit que j'allais écrire très mal, de manière presque illisible, pour laisser planer le doute sur la qualité de mes blagues. Ainsi, on s'imaginerait toujours qu'elles sont beaucoup plus drôles qu'en réalité... Malin, mais inutile ! En effet, en commençant à écrire, j'ai trouvé le ton juste, ce qu'il fallait absolument écrire dans ce genre d'occasion, de manière à rendre ce mot accompagnant un cadeau de baptême parfait, un modèle du genre, une référence. Cher Marcel, chère Clémentine, cher Tom, [à partir de là, l'écriture devient de plus en plus difficile à lire, ça fait quelque chose qui ressemble vaguement à :] savez-vous pourquoi grbou la martina à lou moucher des baptisés drou piroupar ? Artofi du rabouli martonla tout grob. Tirbou la Tom. Oui, Tom d'illos ta maintne. Et pourquoi ? Ma rataboule dimarti ! Oui, matil-nou à nous mais aussi à la vie !

Je vous laisse vous remettre de la profondeur de ces paroles. J'imagine que vous voudrez en discuter mais vous comprendrez qu'elles ne peuvent garder leur portée et leur grand humour qu'écrites...

Je laisse la place à maman pour un mot beaucoup plus chiant traditionnel...

Bisous Tom,                                 Ton parrain 

Le deuxième a été laissé dans le livre d'or d'un mariage d'amis. Je crois que je m'ennuyais un peu, j'ai bien dû rester une demi-heure en tête-à-tête avec les pages du cahier :

Cher Delphine, cher Romuald,

Connaissez-vous l'incroyable histoire des pommes de terre qui voulaient être des tomates ? Non ? Laissez-moi donc vous la raconter en deux mots.

Cette histoire se passe dans un jardin comme il en existait beaucoup dans la France de l'après-guerre : un petit carré de verdure en bordure d'une banlieue ouvrière où logeait une belle diversité de travailleurs occupés à reconstruire le pays ravagé par les combats et l'Occupation. Une femme, magnifique et courageuse, cultivait ces quelques ares pour mettre un peu de beurre dans les épinards, ou plus exactement, un peu d'épinard dans l'assiette (parce que même en plantant un beurrier dans un jardin, on n'obtient pas de beurre à la fin, on peut juste récolter un beurrier sale à la rigueur si on l'a pas paumé. Donc, s'il vous plaît, n'essayez pas avec celui de votre liste de mariage, ce n'est pas la peine. Et si vous voulez quand même essayer, mettez une petite fiche dans le sol avec marqué "beurrier" dessus pour le retrouver plus facilement à la fin de la saison. En vrai, je conseille de plutôt d'écrire "haricot beurre" sur la fiche, comme ça vous le retrouverez tout pareil mais vous passerez moins pour des cons à avoir voulu à tout prix planter un beurrier pour faire pousser du beurre à mettre dans les épinards alors que je vous avais prévenu dans le livre d'or de votre mariage que ça ne marcherait pas, et tout le monde le sait puisque, attirés par ce long pavé, tout plein de vos invités vont de manière parfaitement indiscrète lire ce message [oui, je vous vois, lecteurs clandestins du futur proche, happés par le suspens qui s'installe ! Non, ne craignez rien, je ne vous juge pas. Moi-même, je l'avoue, j'ai lu le message passionnant de tata Jeannine sur comment un mariage pluvieux est un mariage heureux avant de me lancer dans mon histoire de jardinage... Installez-vous confortablement, je me sens en verve, ce n'est pas fini]). Cette femme qui cultivait ce jardin, avait une histoire passionnante, dont nous n'avons étonnamment rien à carrer puisque c'est son potager qui nous intéresse. Non, je ne parle pas de son vieil ami retraité (cette blague passe mieux à l'oral) mais bien de ses légumes !

En effet, il se jouait dans ce jardin un drame que n'aurait pas renié La Fontaine qui nous aurait sans doute écrit un truc comme :
Dans les allées bêchées du jardin sus-cité
Les tomates aux patates jalousie suscitaient.
Mouais, sauf qu'en général, il s'ennuyait pas à pondre des beaux alexandrins comme ça, avec une belle césure et des rimes bien riches. Une petite traduction d'une fable d’Ésope, deux trois vers boiteux qui sonnent à peu près juste, une verveine et au lit. Donc, si ça vous dérange pas trop, on va continuer en prose, j'ai une deuxième tournée de buffet de desserts qui m'attend...

Donc oui, les pommes de terre étaient jalouses des tomates ! Elles auraient, elles aussi, voulu être tendres et bien rouges. Alors, elle demandèrent conseil aux cerises : "comment faites-vous pour avoir cette belle couleur et cette chair si juteuse ?"
- Mais peuchère, collègues, leur répondirent-elles avec leur accent bigarreau, il vous faut prendre le soleil... Si vous restez ainsi enterrées, pas étonnant que vous trainiez ces mines d'endives anémiques ! Nous, si on se retrouve à l'ombre, on reste toutes vertes et toutes dures tandis qu'au soleil, bonne mère,
Notre couleur éclate, notre saveur explose,
Le sucre fait notre joie et notre chair bien rose. (Putain, mais barre-toi La Fontaine, on n'a dit qu'on n'en voulait pas de tes alexandrins mités. De tes vers véreux en somme). 

Les pommes de terre suivirent immédiatement ce conseil et commencèrent à affleurer, sortant à l'air pour profiter du soleil. Et quel miracle de la nature s'opère dans ce cas ? Le pied de pomme de terre sent l'impact du soleil sur ses tubercules et la transformation magique s'opère : le tubercule s'appauvrit en amidon et peu à peu se transforme en organe photosynthétique : les pommes de terre deviennent donc encore plus dures et verdissent pour se charger en chlorophylle ! Et oui, à vouloir rougir et s'attendrir, ces connes sont devenues dures et vertes ! Purée... C'est d'ailleurs bien ainsi que cela finit. En purée : les tomates se prirent la tête avec les pommes de terre, castagne, purée rouge partout. La belle jardinière excédée : purée de patates. Avec du beurre. Direct du beurrier. Et une pointe de persil pour la couleur, alors que le persil il n'avait rien demandé, mais il finit coupé aussi. Ça lui apprendra à faire des frisotis dans son coin.

Et bien je pense que votre mariage en fait, en y réfléchissant bien et en considérant soigneusement toutes les implications morales et les différents degrés de lecture de cette petite fable sans prétention, je pense disais-je que votre mariage, ça n'a absolument rien à voir et aucun rapport avec mon histoire.

Emmanuel

Et pour terminer, voici comment j'ai rempli un bon tiers d'une grosse carte d'anniversaire d'une amie :

Chère Stéphanie,

Plutôt que des vœux très classiques, ce soir, je voudrais te raconter une histoire... Pas n'importe quelle histoire, mais les fantastiques aventures d'un petit lapin que tout le monde surnommait "Lapinou" (ouais, ils étaient nuls sur les surnoms). Lapinou aimait gambader dans la garrigue, se baffrant de trèfle, thym, lavande et romarin.
Mais du coup, il eut soif. Il se rendit donc chez Père Castor (oui, je sais qu'il n'y a pas de castor dans la garrigue, mais lui y était immigré) qui tenait la boutique d'alimentation générale, 7j/7, 20h/24... Lapinou lui demanda s'il avait du Coca Cherry Zéro parce qu'il en avait vu dans une pub à la télé. Mais Castor n'en avait plus.
"Demain je suis livré mon frère si Dieu veut."
Le lendemain, rebelote : pas de Coca Zero Cherry parce que le paysan du champ voisin avait changé ses moutons de pâture, donc, avec la nouvelle clôture, impossible de livrer Castor sans passer par le champ du taureau qui n'était pas commode ces temps-ci, rapport aux génisses qui voulaient pas que... Bref, pas de Coca...
[Hey, Emmanuel, c'est pas bientôt fini ? Oui, oui, j'arrive, j'arrive]
"Mais demain il y en aura, promis juré craché sur la tête de tata Rachel (les castores s'appellent soit Rachel, soit Sylvie, c'est une tradition).
Le lendemain, pas de pot (de lapin), il fait un temps abominable, une véritable tempête... Lapinou ne met pas une oreille dehors de la journée. Mais le jour suivant, le revoici chez Castor. Et là, c'est le drame, plus de Coca ! Tout est déjà parti lui dit-on ! Quelle infamie !
"Mais, Castor, tu as été livré ?"
"Oui Lapinou, comme prévu !"
"C'est pas possible, quand as-tu vendu tout ton stock ?"
"Mais Lapinou, hier !" L'HAPPY NEW YEAR ! Bonne année, tous mes vœux de bonheur !
[Hey, tu sais que c'est un anniversaire espèce de blaireau ? On est en mai] Ah, euh, oui... Bon, ben comme les autres alors : Joyeux anniversaire !

Emmanuel

vendredi 20 août 2021

Critique des nouvelles du recueil : 13 à table ! (2015)

Le premier opus de la série 13 à table ! publié en novembre 2014 (mais étonnement appelé 13 à table ! 2015 dans toute la littérature de référence) débutera notre série de critiques de nouvelles selon les critères exposés dans cet article.

Avant de commencer le divulgachâge dans l'analyse détaillée des nouvelles une par une, la première partie plus générale de cet article peut être lue par les personnes n'ayant pas encore découvert le recueil sans qu'il n'y ait de divulgâchis (oui, j'adore ce néologisme qui remplace avantageusement les spoils & spoilers)

Tout d'abord, j'ai condensé dans le tableau ci-dessous les notes obtenues par les nouvelles sur les différentes (rares) critiques qui analysent les nouvelles individuellement que j'ai pu trouver sur Babelio :

Plus clairement, de la meilleure à la moins bonne note :

  1. Langouste blues de Bernard Werber (4.3 / 5)
  2. La Part de Reine d'Éric-Emmanuel Schmitt (4 / 5)
  3. Maligne de Maxime Chattam (4 / 5)
  4. Gabrielle de Franck Thilliez (3.9 / 5)
  5. Fantôme de Guillaume Musso (3.5 / 5)
  6. Un petit morceau de pain d'Agnès Ledig (3.5 / 5)
  7. Mange le dessert d'abord de Gilles Legardinier (3.2 / 5)
  8. Nulle, nullissime en cuisine ! d'Alexandra Lapierre (3.2 / 5)
  9. Le Parfait de Tatiana de Rosnay (2.9 / 5)
  10. Jules et Jim de Jean-Marie Périer (2.8 / 5)
  11. Une initiative de Pierre Lemaitre (2.7 / 5)
  12. Olympe et Tatan de Françoise Bourdin (2.1 / 5)
  13. Dissemblance de Marc Levy (1.1 / 5)

Si ces chiffres sont évidemment à prendre avec précaution, la taille réduite de l'échantillon rendant toute analyse peu significative d'un point de vue statistique, les conclusions sont corroborées par la lecture des nombreuses critiques sans notation qui montrent généralement un très bon accueil des quatre nouvelles en tête de ce classement ainsi qu'un rejet quasi-unanime de la nouvelle de Marc Levy, manifestement hors-sujet.

Enfin, voici un aperçu de ma notation en un coup d’œil avant de rentrer dans le détail :

 
Passons à présent au détail des notations de chaque texte critère par critère et à toutes mes remarques concernant ces textes. Si vous n'avez pas encore lu le recueil, je ne peux que vous conseiller de stopper ici la lecture de cet article, le plaisir de la découverte serait sans aucun doute complètement gâché par les révélations qui suivent.
 

Olympe et Tatan de Françoise Bourdin  (11.5 / 20)

Respect du thème : (2 / 2)
Un repas de réveillon. Françoise Bourdin pousse le respect du thème jusqu'à décrire un repas regroupant 13 convives (en comptant le chien) pour coller au titre du recueil.

Style : (3 / 5)
Description claires et concises. Dialogues très nombreux et qui sonnent parfois faux, trop ampoulés et descriptifs.

Construction : (2 / 5)
Récit globalement bien mené mais les traits décrits sont souvent exagérés. Histoire sans vraiment de péripéties et certaines n'apportent pas grand-chose d'autre que d'avantage de description des personnages et de leur caractère sans créer de véritable tension dramatique. Pas d'élément déclencheur et donc pas d'évolution entre situation initiale et finale.
Cela pourrait constituer un beau dénouement si on était porté à penser qu'il y aurait des péripéties, mais ce n'est pas vraiment le cas si bien que l'histoire est finalement un peu plate.

Dénouement : (3 / 5)
Sans surprise. Pousse un peu le lecteur à la réflexion.

Avis / problème : (1.5 / 3)
Trop de personnages (pour coller au thème certes) mais certains parfaitement inutiles et on finit par s'y perdre un peu. Traits et relations inter-personnages exagérés alors qu'il n'y a pas besoin qu'ils soient si stéréotypés pour que ça colle. Sujet assez léger. Mais globalement nouvelle fluide et pas désagréable à lire.

Résumé :
Comme chaque année, toute la famille se retrouve chez la doyenne pour un réveillon immuablement raté : repas médiocre, corvée de cadeaux et disputes programmées, chacun s'infligeant cette purge en pensant faire plaisir aux autres...

Maligne de Maxime Chattam  (11 / 20)

Respect du thème : (1.5 / 2)
Pas vraiment de repas mais dans la thématique, avec un effort sur la symbolique de 13 à table (ça porte malheur de manger).

Style : (4 / 5)
Rien à redire. Incipit sympa où on voit le héros avec un autre patient qui semble commencer l'histoire mais qui n'est en fait pas le sujet de la nouvelle. Introduction un peu similaire au procédé cinématographique dans lequel on suit des figurants au début d'une scène qui nous amènent sur l'action principale au bout de quelques secondes.

Construction : (4 / 5)
J'ai aimé la façon dont l'attention du psy monte progressivement sur ce cas atypique, entrainant celle du lecteur naturellement et évitant un début d'histoire trop abrupt où l'auteur nous assène d'autorité que c'est intéressant.
On peut anticiper le dénouement qui n'est pas vraiment une totale surprise mais l'auteur nous laisse hésiter entre plusieurs options possibles et on se demande comment ça va finir : est-ce une véritable tumeur et est-on ici dans la symbolique cancer qui fait payer la gourmandise (conclusion la plus rationnelle à laquelle arrive le psy), le lutin comme allégorie du pêché de gourmandise... Est-ce une pure affabulation ? Le chat va-t-il le bouffer après avoir été infecté ? Il va bouffer le chat ? Va-t-il s'auto-dévorer ?
L'auteur répond habilement à des réserves possibles dans la mise en place de l'intrigue (pourquoi le psy ne l'empêche pas ou pourquoi ne prévient-il pas les autorités ?) mais malheureusement pas toutes (pourquoi ne met-il pas simplement le chat dans une cage qui le protégerait de son inévitable gourmandise et le protégerait du chat s'il est infecté ?)

Dénouement : (1 / 5)
L'histoire se termine sur un des scénarios qu'on envisage durant la lecture même si les conclusions du psy, qui cherche à rester rationnel et interprétatif, tente de nous emmener sur de fausses pistes jusqu'au dernier moment.
Malheureusement, il demeure de nombreuses questions et incohérences : si homme s'est auto-mangé, pourquoi n'a-t-il pas mangé le chat d'abord ? Si le chat l'a mangé, comment la police a-t-elle pu se tromper ? Pourquoi le chat n'a-t-il pas mangé tout le bonhomme ? Comment le chat n'est-il pas ultra obèse et reste-t-il aussi agile et discret après avoir bouffé tous les membres d'un type si gros ? Normalement la pièce devrait être pleine d'excréments de chat... Comment le chat s'échappe sans attaquer le concierge ? Pourquoi choisi-t-il d'attaquer ensuite précisément le psy, qui n'est même pas spécifiquement son voisin ?
Toutes ces questions rendent le chute totalement artificielle, sensationnaliste et finalement elle perd toute crédibilité. C'est dommage car une chute où le lecteur serait subtilement amené à tirer lui-même les conclusions auxquelles aboutit le psy aurait à mon avis été une fin ouverte meilleure.

Avis / problème : (0.5 / 3)
Dénouement peu crédible, comme dans un mauvais film d'horreur qui laisse un dernier sentiment de déception au lecteur et gâche le reste.

Résumé :
Un psy reçoit un patient atypique, persuadé d'être possédé par un bonbon qu'il a avalé et qui le force à manger, l'ayant poussé jusqu'à l'obésité morbide. Une tumeur maligne dans tous les sens du terme puisqu'elle échappe à tout traitement. Il pense s'en débarrasser en jeûnant cinq jours, enfermé avec un chat qui servirait d'hôte de substitution. Cinq jours plus tard, l'homme est retrouvé mort, ses propres membres dévorés.
Alors que le psy, secoué, médite sur la puissance de l'auto-persuasion, il ne voit pas un chat diaboliquement affamé se glisser chez lui...

Nulle, nullissime en cuisine ! d'Alexandra Lapierre  (13.5 / 20)

Respect du thème : (1.5 / 2)
OK, sur le thème de la cuisine et du repas partagé.

Style : (3 / 5)
Simple, efficace, sans fioriture mais sans réelle beauté littéraire non plus.

Construction : (4 / 5)
L'auteur prend son temps pour installer l'intrigue. La longue description du passif familial campe bien la situation et introduit le nœud du problème. Le tout est légèrement forcé mais reste plutôt crédible.
Les réserves potentielles sont bien levées : on nous distille subtilement l'information clef que le fils est parti sans que la ficelle ne soit trop grosse. Bien pensé pourquoi c'est la femme qui doit cuisiner ou comment l'ampleur de la catastrophe empêche d'aller au resto et oblige à se faire livrer la pizza.

Dénouement : (3 / 5)
La chute n'est pas réellement surprenante mais bien amenée. Petite morale à tout ça : dans le repas ce n'est pas la nourriture le plus important mais les convives. Happy end un peu niais et attendu toutefois.

Avis / problème : (2 / 3)
Rien qui ne fasse sortir de la lecture. Un peu naïf et superficiel mais globalement bien mené.

Résumé :
L'héroïne, particulièrement catastrophique derrière les fourneaux, se retrouve à devoir préparer un repas important pour le nouveau patron de son mari, être suffisant et invivable, seul (même ses enfants l'ont fuit) et très critique des plus grands restaurants. Un stratagème est élaboré : feindre de renverser le dîner au dernier moment avant de l'inviter au restaurant. Mais la tenue du patron est ruinée par l'accident et une pizza est commandée. Coup de foudre du patron avec le livreur : c'est son fils disparu depuis trois ans et cette pizza de réconciliation sera finalement le meilleur repas qu'on pouvait servir au patron exigeant.

Un petit morceau de pain d'Agnès Ledig  (14.5 / 20)

Respect du thème : (1 / 2)
Dans la thématique de la nourriture mais pas de repas, ni de rapport avec la malédiction d'être 13 à table ou les Restos du Cœur.

Style : (5 / 5)
Très belle écriture littéraire, fluide et imagée. Très bonne maitrise tout au long de la nouvelle des métaphores filées de la mère accrochée à la planche en bois de ses principes, ou de l'enfant qui doit pousser droit pour aller haut.

Construction : (3.5 / 5)
En trois parties, avec des transitions qui rythment bien la nouvelle :
1/Histoire du petit garçon affamé et du morceau de pain
2/Révélation surprenante (surprise plus grande grâce au fait que l'auteur soit une femme ?) : le petit garçon c'est moi avec la suite de l'histoire, l'impact sur sa vie et ses valeurs plus facilement amenés que dans la première partie descriptive grâce au changement de point de vue rendu possible par la révélation.
3/Saut dans le temps à l'âge adulte, malaise au parc et répétition du schéma de la rencontre grâce au morceau de pain. Toutefois, il manque un peu de construction pour tenter de ménager un peu de surprise autour de cette fin un peu fleur bleue et très attendue.

Dénouement : (2 / 5)
Dénouement très attendu, naïf et un peu happy end niais. Mais qui permet la finalisation de la métaphore filée de la croissance droite.
Au final, on a ici juste une belle histoire mais malheureusement sans réel enseignement ni chute inattendue ou matière à réflexion.

Avis / problème : (1.5 / 3)
Petit problème dans la construction sur l'explication du sport à jeun, peu vraisemblable quand on prend tous les jours un petit-déj.
Bon moment de lecture mais ne reste pas grand-chose.

Résumé :
Un petit garçon affamé par les principes d'éducation rigide de sa mère qui l'élève seule (on ne mange pas avant le repas) se voit offrir un morceau de pain par un inconnu, qui deviendra finalement son beau-père.
Ce petit garçon, c'est le narrateur de l'histoire. Il a aujourd'hui 30 ans et fait un malaise dans un parc. Cela lui permet de rencontrer celle qui, il l'espère, deviendra la femme de sa vie après qu'elle lui ait offert un morceau de pain.

Mange le dessert d'abord de Gilles Legardinier  (13.5 / 20)

Respect du thème : (2 / 2)
L'auteur nous raconte des souvenirs de repas et brise immédiatement le quatrième mur pour évoquer le recueil qu'on a en main. On peut être certain ici que le texte a bien été écrit spécifiquement pour 13 à table !

Style : (4 / 5)
Adresse directe qui fonctionne et permet une bonne transmission des émotions et transpire la sincérité. La petite signature manuscrite finale semble attester de l'authenticité des souvenirs ici partagés. Bonne intro pour expliquer qu'on préférera l'authentique au fictionnel. Pas de beauté particulière dans le style, mais il est très efficace dans la transmission des émotions et la description de la scène.

Construction : (3 / 5)
Pas une nouvelle à proprement parler mais deux histoires vécues.
La première toute en émotions : le dernier repas partagé avec son père, souvenirs et regrets.
La seconde plus pittoresque et intéressante à lire, avec sa propre chute inattendue (l'idée de l'auteur/narrateur de simuler les pleurs pour cacher le rire est excellente et surprenante). Les deux histoires sont liées par l'idée de profiter de la vie et de ses moments, souvent autour d'un repas partagé. Rappel du thème des Restos subtil à la fin "ceux qui ont faim savent qu'aucun repas n'est anodin". Cependant, pas de réelle montée dramatique puisqu'on ne saurait qualifier ce texte de nouvelle.

Dénouement : (2.5 / 5)
Pas de chute mais une espèce de morale, d'enseignement qui est bien transmis, même s'il reste somme toute assez banal.

Avis / problème : (2 / 3)
Pas de temps mort ni de lourdeur dans l'adresse directe. Le récit est bien mené et transpirant de vérité. Morale un peu banale et présentation de l'auteur comme étant une espèce de "champion du repas avec les inconnus" pas vraiment utile.

Résumé :
Gilles Legardinier choisi de nous conter deux souvenirs de repas plutôt qu'une fiction. D'abord le dernier repas partagé avec son père, exemple de transmission et de complicité paternelle. Puis une histoire d'enterrement : présent par obligation sans connaître le défunt, il réussira habilement à dissimuler un fou rire irrépressible puis pourra observer d'un point de vue extérieur et détaché toute l'humanité se dégageant du repas de cette famille. Tirant de ces expériences l'enseignement qu'il souhaite partager avec nous : "si cela te fait plaisir, mange le dessert d'abord".

Une initiative de Pierre Lemaitre  (15 / 20)

Respect du thème : (1.5 /2)
Une invitation pour un repas de famille comme thème central.

Style : (4 / 5)
Plutôt bien écrit, le style transmet bien la montée de l'angoisse du personnage et on ressent beaucoup d'empathie en l'observant se disperser devant l'ampleur de la tâche. Le poids de l'âge et de l'oubli est également bien transmis. Malheureusement, petit manque de crédibilité sur  les "hurlements" et son emportement en général chez les différents commerçants

Construction : (4 / 5)
On sent bien la lente montée de l'angoisse et la dispersion du héros. On envisage vite plusieurs chutes possibles, même la plus dramatique qui nous est suggérée (vertiges sur la chaise) mais l'auteur évite de tomber dans cette facilité. Les solutions au problème qui nous apparaissent immédiatement les plus simples (traiteur, commande, resto) sont abordées tardivement par le héros, mais ce délai est très facilement explicable par son âge et le caractère inhabituel de la tâche, si bien que ces errements sont habilement crédibles.

Dénouement : (4 / 5)
La résolution du nœud dramatique
est très simple et crédible. Cette simplicité souligne d'ailleurs parfaitement l'idée que le héros se noyait dans un verre d'eau, le naufrage de la vieillesse, tout ça... La vraie chute et l'intérêt de l'histoire est ailleurs, dans la prise d'âge apparente du héros confronté aux fantômes qu'il avait enfermé et qui en ont profité pour ressortir.

Avis / problème : (1.5 / 3)
Quelques verbes maladroitement choisis pour les dialogues font sortir de l'histoire.

Résumé :
Invitant sur un coup de tête 6 personnes à déjeuner, un veuf de 81 ans se noie sous l'ampleur de la tâche qu'il n'imaginait pas si compliquée. Rattrapé par le poids de son âge et les fantômes du passé qu'il avait soigneusement refoulés et qui remontent alors qu'il fouille à la recherche des ustensiles indispensables, cette simple initiative lui fera prendre un sacré coup de vieux.

Dissemblance de Marc Levy  (2 / 20)

Respect du thème : (0 / 2)
Hors-sujet complet. P
as même une allusion à la nourriture, alors qu'il était aisé de faire semblant de jouer le jeu en comparant les deux traditions culinaires, similitudes (pas de porc, tabous) et différences...

Style : (1 / 5)
Espèce de conte philosophique sous forme de dialogue. Ni bons dialogues, ni bonne philosophie. Espèces d'images incompréhensibles et obscures (oubli de la couleur des yeux de son père, trace cercle sur le sol).

Construction : (0 / 5)
Dialogue peu crédible : la progression de leur pensée est trop rapide et leur changement d'avis peu vraisemblables : comme par miracle, les deux hommes comprennent toute l'absurdité de la guerre juste parce qu'ils ne se rappellent pas les raisons de la haine. Mais il s'agit d'un raisonnement que la majorité des personnes concernées fait très bien de son vivant. Ceux qui le rejettent vivants n'ont pas raison de changer d'avis si vite. De plus, ils connaissent bien en fait les raisons de la haine et se les envoient au visage juste avant.

Dénouement : (1 / 5)
Pas vraiment compris. Ils veulent instruire les leurs de l'inutilité de la guerre, mais en fait non. Puis un des deux savait qu'ils étaient morts (mais continuait à discuter comme s'il l'ignorait) donc ils se rendent compte qu'ils ne peuvent pas porter cette bonne parole.
Ils se promettent de se rappeler cet enseignement, mais en fait non parce que c'est impossible à faire de leur vivant!? Manque total de cohérence et de clarté et pour être honnête, je n'ai pas envie de relire pour comprendre parce que ce sujet beaucoup plus complexe est traité ici de façon ultra-stéréotypée, naïve et avec une bien-pensance moralisatrice et simplificatrice peu engageante. Un point pour l'idée qu'ils soient morts et pas juste enfermés.

Avis / problème : (0 / 3)
Conte pseudo-philosophique sans intérêt, sans réel enseignement qui ressasse une espèce de bien-pensance inutile et niaise (la guerre c'est mal). On est jamais dedans et on se demande ce que cette nouvelle fait ici et si l'auteur ne nous prend pas pour des idiots en refourguant pour les Restos un texte qui traînait dans un tiroir, sans même prendre la peine de l'adapter.

Résumé :
Un arabe et un juif emprisonnés ensemble se rendent compte que le conflit israëlo-palestinien n'a aucun sens et, forts de cette révélation, pensent pouvoir mettre un terme à la guerre en partageant cette géniale idée. Malheureusement, ils se sont déjà entretués et oublient vite leurs regrets et cette perspective qu'ils estiment finalement impossible à matérialiser chez les vivants.

Fantôme de Guillaume Musso  (11.5 / 20)

Respect du thème : (0.5 / 2)
L'histoire débute par un repas, mais juste pour lancer un polar sans rapport avec la thématique (0.5 / 2)

Style : (3 / 5)
Un début surnaturel (discussion avec un fantôme) qui n'est suivi par la suite d'une histoire parfaitement réaliste. Mais, du fait de l'introduction fantastique, on reste tout du long un peu en suspens avec la possibilité qu'il s'agisse d'un rêve global ou dans l'attente de la survenue d'une autre vision alors que de tels artifices ne sont pas nécessaire à la suite de l'intrigue qui est bien menée et n'a pas besoin de fantastique pour tenir la route.
Petite lourdeur stylistique dans la révélation finale : c'est son nom de mariage, donc elle avait un autre nom il y a 20 ans. Les yeux qui se posent simplement sur le diplôme auraient suffit. Mais globalement polar bien écrit.

Construction : (4 / 5)
Passage du rêve à la réalité peu clair, mais polar bien mené et portant bien le lecteur jusqu'à une chute inattendue. 

Dénouement : (3 / 5)
Chute brutale, assez inattendue même si l'artifice du changement de patronyme d'un personnage comment à être bien usé. Surtout, il aurait pu être introduit plus finement.

Avis / problème : (1 / 3)
Polar globalement bien mené et plaisant mais l'attitude de l'infirmière est peu crédible. Pourquoi aider ainsi à la résolution du cas qui la concerne ? Elle a de nombreuses occasions de couper court à l'enquête de façon légitime sans que cela ne l'incrimine : dire qu'elle ne connaît pas le médecin ou tout du moins ne pas livrer autant d'informations permettant de retrouver ses proches, prétendre qu'il était accroc à l'héroïne, ne pas prêter sa voiture ou encore signaler cette patiente qui fouille dans les archives et vole des outils... Au final, elle transgresse plusieurs fois le règlement pour faciliter une enquête qui l'incrimine.

Résumé :
Une jeune flic atteinte d'une tumeur au cerveau en phase terminale tombe sous le charme d'un jeune médecin, qui s'avère être mort depuis 20 ans d'une étrange overdose. Elle mène l'enquête avec l'aide de son infirmière et découvre que le beau médecin a sans doute été assassiné parce qu'il avait découvert qu'une soignante tuait des malades dans l'hôpital. Elle se rend compte qu'il s'agit de son infirmière juste avant de rejoindre la liste de ses victimes.

Jules et Jim de Jean-Marie Périer  (12.5 / 20)

Respect du thème : (1.5 / 2)
Un dîner entre amis pour renouer avec le passé.

Style : (4 / 5)
Bien écrit, efficace et sobre avec une bonne dose d'analyse des points de vue de chacun. On ressent bien l'ambiance pesante et le lecteur ayant déjà vécu des situations similaires retrouve bien les sensations décrites.

Construction : (3.5 / 5)
L'accident est bien amené par l'attitude de Jim durant le repas.
Comme explication de la brouille, pourquoi combiner la trahison amoureuse à un écart de trajectoire financière ? Une seule cause aurait sans doute suffit. Cette dualité rend le message moins clair et une éventuelle réconciliation semble plus difficile.
J'ai aimé l'idée de se retrouver pour une seule fois et de se quitter apaisés pour ne pas gâcher les bons souvenirs du passé avec un présent plus contrasté. C'est une jolie trouvaille qui colle parfaitement avec le fait que ce soit une réconciliation post-mortem.

Dénouement : (2 / 5)
Certes très inattendu mais impossible à anticiper et surtout, pas de réponse sur comment c'est possible. La nouvelle se termine avec l'image des biches, un peu de poésie symbolique pas bien claire.

Avis / problème : (1.5/3)
Pas d'utilisation de tous les personnages. Dénouement surnaturel ouvert sans réelle réponse... Je trouve toujours ça un peu trop facile.

Résumé :
Jules organise un dîner avec ses vieux camarades dans le but de se réconcilier avec son ami de toujours, Jim, qu'une trahison amoureuse et sa réussite ont éloigné de lui. Malheureusement, il ne parvient pas à renouer le lien durant le repas, mais, alors que tous sont partis, Jim revient et fraternise à nouveau. Les amis se retrouvent pour, ils le savent, une dernière nuit avant de se séparer pour toujours. L'instant de partage, whisky et cigares au bord de l'Oise est magique, salué par un couple de biches. À son réveil, on apprend à Jules que son ami s'est tué en voiture juste après la fin du repas. A-t-il donc rêvé de la réconciliation de cette nuit ? Non, les cigares sont bien fumés et les biches repassent dans l'autre sens...

Le Parfait de Tatiana de Rosnay  (12 / 20)

Respect du thème : (1.5 / 2)
Un repas de noces et ses préparatifs comme cadre de la nouvelle.

Style : (3 / 5)
Construction un peu bullet points avec un enchaînement des paragraphes et des idées sans connexion. Des phrases courtes et simples. Beaucoup d'informations. Écriture efficace mais pas très littéraire.

Construction : (3 / 5)
Mise en place un peu longue, avec beaucoup de détails et d'informations sur le passé et quelques péripéties permettant de très bien cerner le personnage mais pas vraiment utiles à l'intrigue de cette nouvelle (changement de robe, pertes de tous les objets...)

Dénouement : (3 / 5)
On sent venir les deux éléments de résolution, autant le flirt que la mort de Mamie, qu'on attendait plus provoquée qu'accidentelle. Ici, on a l'impression que l'auteur cède un peu à la facilité sur ce deuxième point, une mort subite, sans signe avant-coureur et qui nous arrange bien pour la chute. On apprécie cependant le jeu de mot final.

Avis / problème : (1.5 / 3)
Nouvelle un peu lente et longue pour une chute attendue et sans réelle utilisation de nombreuses informations introduites au cours de la mise en place.

Résumé :
Monique, veuve, doit subir depuis des années la tyrannie de sa belle-mère de 90 ans qui lui a notamment rendu la vie impossible lors des préparatifs du mariage de sa fille, jusqu'à imposer la présence de parfaits au chocolat en dessert. La journée est particulièrement stressante et les moments de joie de Monique sont souvent gâchés par Mamie. Jusqu'à ce qu'elle s'abandonne sur la piste de danse dans les bras du traiteur avec qui elle a flirté toute la journée et qu'on retrouve Mamie morte, le nez dans son dessert, rendant le moment parfait.

La Part de Reine d'Éric-Emmanuel Schmitt  (11.5 / 20)

Respect du thème : (1.5 / 2)
Clovis le clochard préfère recevoir un repas à partager avec sa chienne plutôt que de l'argent. On est à la limite de la thématique, mais le thème du SDF colle avec les Restos du Cœur.

Style : (4 / 5)
Simple et efficace, sans rien d'inutile dans le style ni de beauté particulière.

Construction : (2 / 5)
Construction qui tient plus du roman que de la nouvelle avec
plusieurs arcs narratifs successivement dénoués :
- Pourquoi Clovis n'aime pas l'argent, enquête, réponse.
- Histoire des semaines de pénurie expliquant cette décision avec son propre arc.
- Introduction du rôle du curé et de la bibliothécaire.
- Mort de Clovis, risque de perte de Reine et tension résolue.
- Histoire à l'orphelinat roumain.
- Enterrement de Reine.
Au final, beaucoup de parties dans cette histoire, trop pour une bonne nouvelle où on se retrouve immanquablement avec beaucoup de superflu : tout le passage en Roumanie, le parallèle entre les oiseaux et les clochards de l'incipit qu'on retrouve évoqué en excipit mais pas du tout exploité durant le récit, l'opposition "politique" de la bibliothécaire et du curé...

Dénouement : (2.5 / 5)
Avec autant d'arcs narratifs successifs, on ne peut pas parler d'un seul dénouement. L'excipit sur les oiseaux est vaguement poétique mais peu pertinent. Cependant de bons rebondissements s'enchaînent au long de l'intrigue et bonne idée que celle de l'enterrement en terre chrétienne impossible mais approuvé tacitement, même si on aurait pu éviter un peu de lourdeur en évoquant la présence invisible du curé une seule fois.

Avis / problème : (1.5 / 3)
Quelques petits problèmes de vraisemblance :
pourquoi Clovis arrive-t-il à refuser l'argent des voisins mais pas celui du père du héros ? Pourquoi éprouve-t-il une telle peur apparente à l'idée de posséder un peu d'argent alors qu'il a la solution pour s'en débarrasser sans que ça lui nuise ? La première fois à la rigueur mais ensuite, il ne semble pas en souffrir du tout mais continue pourtant à s'en désespérer...
Je ne suis pas fan également du cliché si peu réaliste du clodo ultra-sage qui a trouvé la solution pour être heureux.

Résumé :
Clovis le clochard du village préfère un repas qu'il partagera avec sa chienne Reine à toute rémunération pécuniaire pour les nombreux travaux qu'il entreprend. Le héros, un jeune garçon qui le fréquente grâce à son chien, découvre qu'il partage tout ce qu'il gagne sans prétendre à la moindre possession : il a confiance en la générosité du genre humain pour subvenir à ses besoins, tout comme Reine lui a toujours témoigné une confiance absolue pour la nourrir.
À la mort de Clovis, cette absolue fidélité manque de peu de coûter la vie à Reine, mais elle est sauvée par notre héros et adoptée par le curé, qui y découvre une âme pure et pour ainsi dire sainte tant et si bien qu'au décès du chien, reniant tous ses principes passés et les usages catholiques, il autorise tacitement le héros à enterrer la chienne en terre consacrée avec son maître.

Gabrielle de Franck Thilliez  (13.5 / 20)

Respect du thème : (1.5 / 2)
Le repas des grizzlies comme sujet principal.

Style : (4 / 5)
Écriture claire, qui va à l'essentiel. L'auteur parvient à expliquer facilement en quelques phrases les données scientifiques, les enjeux et le drame qui se joue. On ne donne pas de raison à la désorientation des saumons mais on partage bien le ressenti global écologiste contre un ennemi invisible et néfaste. C'est le sentiment exact que ce couple éprouve sans doute dans une telle situation. Bonne description de l'action et de la tension également.

Construction : (3.5 / 5)
Les mauvaises nouvelles s'enchaînent bien vers le drame : manque de poissons, entorse, panne du groupe électrogène. Structure simple et sans réelle surprise mais efficace et qui reste assez crédible.

Dénouement : (3 / 5)
Chute en semi-surprise : certes, comme on s'y attend, Gabrielle est tuée par les ours, mais en fait, l'homme revit la scène. Le réel message de la nouvelle est-il à chercher dans cet amour que le veuf cherche pathologiquement à revivre ou est-ce un artifice pour apporter de la surprise là où le dénouement est très attendu ?

Avis / problème : (1.5 / 3)
Pourquoi les ours sentent-ils si vite que le groupe électrogène a lâché ? Pourquoi surtout le couple ne dispose pas d'un groupe de secours ? Si c'est un accident qui arrive, dans la mesure où leur vie tient à cet équipement, il est improbable de faire preuve d'une telle négligence de la part de zoologues si expérimentés. Et si une telle mésaventure arrive pour la première fois en 25 ans, c'est vraiment pas de bol que cela se passe l'année où il n'y a pas de poisson et où Gabrielle s'est fait une entorse... La fin donne une autre dimension au texte mais c'est peut-être aussi juste un artifice d'auteur.

Résumé :
Un vieux couple filme chaque année le repas de saumons des grizzlies qui leur permet de survivre à l'hiver. Mais cette année, les saumons ne sont pas venus et le couple n'est protégé des ours affamés que par une clôture électrique qui, une nuit, tombe en panne. L'homme doit laisser sa compagne blessée pour chercher de l'aide auprès d'un ami qui vit en ermite à 10 km. Quand il arrive, celui-ci lui annonce tristement qu'il rejoue, comme chaque année depuis 5 ans, cette triste scène où ils n'ont pas réussi à sauver Gabrielle des grizzlies comme l'atteste les images retrouvée dans leur caméra. Le retour à la réalité est très douloureux.
L'année suivante, de retour au campement, l'homme a la joie de retrouver sa femme souriante pour une nouvelle saison d'étude au milieu des ours.

Langouste blues de Bernard Werber  (16.5 / 20)

Respect du thème : (2 / 2)
Bob la langouste nous explique pourquoi il constituerait un mauvais repas. Il nous raconte sa vie et nous explique pourquoi consommer des langoustes, ça porte malheur, comme être 13 à table...

Style : (4.5 / 5)
Le meilleur de Werber, précis, documenté, sans biais ésotérique ou doctoral comme c'est parfois le cas. On sent le franc-parler de Bob et pour plus de vraisemblance il interrompt parfois ses réflexions par une anecdote. Son parti pris et sa subjectivité sont bien retransmis. Évidemment, le tout reste peu réaliste car cette langouste est beaucoup trop savante et observatrice des hommes mais l'auteur joue avec notre point de vue ethnocentré (par exemple, quand il passe devant le nom du navire, on espère qu'il nous dira que c'est le Titanic, mais non, il ne sait pas lire, c'est une langouste... Mais comment saurait-il alors que ce sont des écritures ?)

Construction : (4 / 5)
Pas de temps mort, petites anecdotes plaisantes qui émaillent le récit jusqu'à la chute qui a besoin de peu de préparation.

Dénouement : (4 / 5)
Chute assez inattendue. Certes, le lecteur est peu préparé au fait qu'on soit sur un bateau mais ce n'est pas vraiment bloquant car cela reste réaliste et l'histoire fonctionnerait également avec un tsunami par exemple. La conclusion avec le pèlerinage sur les lieux du naufrage est sympa aussi et permet de préciser l'état d'esprit vengeur bien compréhensible et en ligne avec le caractère sans concession de Bob, ainsi que d'introduire l'idée de malheur qui boucle avec le nom du recueil.

Avis / problème : (2 / 3)
Une nouvelle légère et plaisante. Toute petite remarque, il est dommage d'ajouter "question de point de vue", surtout deux fois, sur fait qu'il s'agit d'un happy end, ça rend la langouste vraiment trop ethnocentrée.

Résumé :
Bob la langouste nous explique pourquoi lui et ses congénères ne devraient pas être mangés en nous racontant son histoire : sa jeunesse dans les sorties d'égout cubains, sa capture alors qu'il allait frayer et sa vie en aquarium de restaurant où il voit disparaître cruellement tous ses camarades, jusqu'à sa libération jubilatoire : le paquebot dans la cuisine duquel il était exposé se retrouve éventré par un iceberg et tous les humains mangeurs de crustacés sont noyés tandis qu'il retrouve la liberté.