Tout d'abord, un petit condensé des quelques notations que j'ai pu dénicher sur Internet. J'en ai trouvé moins que pour le premier recueil. La note est donc moins significative, mais la tendance générale se détache quand même un peu.
Plus clairement, de la meilleure à la moins bonne note :
- Aleyna de Karine Giebel (4.1 / 5)
- La Seconde Morte de Michel Bussi (3.9 / 5)
- Karen et moi d'Agnès Ledig (3.6 / 5)
- Ceci est mon corps, ceci est mon péché de Maxime Chattam (3.4 / 5)
- Jumeaux, trop jumeaux de Bernard Werber (3.2 / 5)
- La Main sur le cœur de François d'Épenoux (3.1 / 5)
- Le Premier Rom sur la Lune de Romain Puértolas (3.0 / 5)
- Fils unique d'Alexandra Lapierre (2.9 / 5)
- Cent balles de Françoise Bourdin (2.6 / 5)
- La Robe bleue de Nadine Monfils (2.5 / 5)
- Tu peux tout me dire de Douglas Kennedy (2.3 / 5)
- Frères Coen de Stéphane De Groodt (2.2 / 5)
On retrouve en effet à la lecture des avis non notés, un coup de cœur
presque unanime pour le très beau texte de Karine Giebel, ainsi qu'une
adhésion très forte aux nouvelles de Michel Bussi et Agnès Ledig. A
contrario, les productions de Nadine Monfils et Douglas Kennedy n'ont pas emporté l'adhésion des critiques. Les avis sur les autres nouvelles sont toujours partagés, avec une mention spéciale pour Frères Coen de Stéphane de Groodt, adoré par un petit nombre et rejeté en masse comme hors sujet ou incompréhensible pour la majorité.
Passons à présent au détail de mes notations de chaque texte critère par
critère et à toutes mes remarques concernant ces textes. Si vous n'avez
pas encore lu le recueil, je ne peux que vous conseiller de stopper ici
la lecture de cet article, le plaisir de la découverte serait sans aucun
doute complètement gâché par les révélations qui suivent.
Cent balles de Françoise Bourdin (10.5 / 20)
Respect du thème : (2 / 2)
Une histoire de fratrie où la fraternité est bien mise à l'honneur. Thème doublement respecté.
Style : (2 / 5)
Les personnages sont caricaturaux, les lieux communs se comptent par dizaine (le bohème qui se nourrit de pizzas vs. le travailleur qui, accaparé par son job, perd le contact avec son fils. Conséquence, bien sûr, le fils se drogue...)
Introduction longuette et décousue ; on passe d'un personnage à l'autre sans lieu. Il y a sans doute moyen de présenter l'intrigue et de faire ressentir l'ambiance et ses enjeux particuliers plus sobrement et élégamment.
Point positif, la façon dont est traitée la description de la complexité des sentiments, le cœur du héros qui balance entre raison et amour et qui finit par faire son choix.
Construction : (2 / 5)
Un peu de tension mais rien d'extraordinaire. On devine que le fils se drogue bien avant que cette "révélation" n'arrive. Quelques points dans la construction qui auraient été dérangeant (pourquoi, alors qu'il a réussi à être contacté avant, le fils appelle du téléphone de l'oncle par exemple) qui sont bien anticipés.
Dénouement : (3 / 5)
Première chute assez bien amenée : c'est le fils et non le frère qui est rentré en taxi et qui finalement, préfère son oncle. Bien joué l'idée de nettoyage de la banquette à cause du sang tout en laissant penser à tous qu'il s'agit de vomi.
Vient ensuite la conclusion sur la confiance apportée à son frère, la force du lien. Mais j'aime peu l'idée de donner tout l'argent comme s'il lui confiait toute responsabilité dans l'éducation et la paternité, c'est certes symbolique mais trop irréaliste à mon avis.
Avis / problème : (1.5 / 3)
Nouvelle assez plate, mise en place longue, lieux communs, artifices
narratifs grossiers. Fin acceptable dans la narration mais l'essentiel du message
est ailleurs, avec l'introduction habile d'une morale qui peut sembler un naïve
mais qui décrit joliment l'ambivalence du sentiment entre frères, entre condamnation
des comportements différents et tendresse ; l'amour l'emportant évidemment à la fin.
Résumé :
Charles a réussi dans la vie. Ce n'est pas vraiment le cas de son
frère Florian qui lui tape 100 balles régulièrement. Mais au fond
Charles se complaît dans cette relation, et quand le fils de Charles a
des ennuis, c'est son oncle qu'il appelle spontanément et Charles en est
finalement reconnaissant à Florian.
La seconde morte de Michel Bussi (17.5 / 20)
Respect du thème : (1.5 / 2)
La relation d'une fille avec sa grande sœur.
Style : (4.5 / 5)
Impeccable, sobre et efficace, au service de la narration.
Construction : (5 / 5)
Intrigue très bien menée, petits indices distillés subtilement (page Facebook à
effacer) et fausses pistes crédibles (demi-sœur ?) qui masquent bien la réelle
chute. L'héroïne n'est pas totalement folle et nous apparaît presque normale mais prise dans
la spirale du mensonge ce qui rend l'identification possible et donc
démultiplie l'impact de la nouvelle.
Dénouement : (5 / 5)
Presque inattendu jusqu'à la fin, bien expliqué en quelques phrases, pas
besoin aller plus loin dans les conséquences et donc la fin reste
également ouverte, on nous laisse imaginer la réaction du marié...
Avis / problème : (1.5 / 3)
Alexandra Leroy existe-t-elle vraiment (celle de l'école) et dans ce cas
peut être contactée par ailleurs et il est étonnant que personne ne l'ait fait en tellement d'années. Et si c'est une pure invention, comment expliquer l'existence des photos et l'absence d'autres traces de
son travail que sur Facebook et Instagram par exemple...
A la première lecture, je dirais que le tout reste
crédible car bien expliqué. Mais en y repensant et en pinaillant, on peut remettre en cause la
crédibilité de la situation.
Résumé :
Aurélie vit dans l'ombre de sa grande sœur Alexandra. A l'école, les
professeur espéraient qu'elle serait aussi douée, même chose dans son
travail. Tout le monde s'intéresse à Aurélie d'abord par fascination
pour Alexandra. Même son copain tentera de la tromper avec elle, à tel
point qu’Aurélie rêve de la supprimer. Mais Alexandra vit loin, donne
rarement des nouvelles et est coupée de la famille et la vie se passe
bien pour Aurélie, qui profite du halo de sa sœur pour briller
modestement : bon job, bébé en vue et bientôt le mariage auquel
Alexandra n'est pas conviée, au grand dam du patron d’Aurélie qui a
toujours rêvé de se rapprocher de la star Alexandra par l'entremise
d’Aurélie, et surtout du nouveau mari, qui, bien éméché, n'y tient plus
et aborde le sujet absolument tabou avec ses beaux parents... Pour se
rendre compte qu’Aurélie est fille unique et s'est depuis toujours
inventé une grande sœur.
Ceci est mon corps, ceci est mon péché de Maxime Chattam (12.5 / 20)
Respect du thème : (2 / 2)
Frères et sœurs illégitimes deviennent un repas. Jolie combinaison du
thème de l'année avec celui de l'année précédente et/ou le titre du recueil.
Style : (4 / 5)
Bien écrit, sobre et efficace dans l'ensemble. Quelques belles
tentatives d'images (points reliés pour dessin d'ensemble,
malheureusement lourdement expliquée ensuite, comme pour abaisser au
niveau lecteur moyen), "horreur à digérer", "la vérité est une pute" .
Un peu de lourdeur et de lieux communs pour tenter de faire passer l'horreur :
"comme si la lumière vacillait", picole pour oublier...
Comme l'année dernière, l'introduction est particulièrement soignée : on imagine sans en être sûr qu'on parle d'un tueur. Pas
de surprise qui l'aurait rendue magistrale mais très bon incipit tout de
même.
Construction : (3.5 / 5)
Maxime Chattam décrit méticuleusement tous les éléments connus qu'on apprend en même
temps que le héros. Tout est sans faille et parfait pour préparer une
belle chute et une révélation fracassante et surprenante sauf que..
Dénouement : (1.5 / 5)
... il n'y a pas de chute ! Au final on ne l'attrape pas. Si bien que
cette jolie construction est d'autant plus facile à échafauder qu'il
n'est pas nécessaire d'y prévoir la brèche dissimulée qui permettra de
tout faire s'effondrer. On reste donc sans réponse, et sans piste, sur
comment le tueur trouve ses victimes, le lien avec les consommateurs, la motivation,
etc. On comprend avec le titre que le mobile est de faire expier la faute
adultère dans une espèce d'eucharistie, mais l'hypothèse surnaturelle n'est pas
vraiment satisfaisante ni crédible de la part d'un enquêteur, et le conseil
final "faites attention aux food-trucks et à ce que vous mangez, ou qui
vous mangez" ne fait pas vraiment peur ni ne pousse à la réflexion...
Avis / problème : (1.5 / 3)
On sort un peu de l'histoire à cause de questions artificielles du
héros qui découvre la situation : l'auteur utilise ce fâcheux artifice d'exposer le drame via les dialogues plutôt que d'écrire des conversations naturelles.
Petit
soucis de timing avec 70 crimes restreints sur une partie de l'automne
seulement, ce qui rend le nombre peu crédible... Pourquoi d'ailleurs restreindre l'activité du tueur sur cette période, j'avoue ne pas avoir compris le message.
Résumé :
Le héros, enquêteur au FBI, se retrouve confronté au plus gros dossier
de serial killer de l'histoire : un homme enlève des enfants
illégitimes, les transforme en burgers pour les servir à ses demi-frères
et sœurs... Après des années de traque où le meurtrier ne semble faire absolument
aucune erreur et ne laisse aucune trace, il est repéré mais finit par
échapper une fois encore aux policiers à la dernière minute en se
faisant remplacer.
Frères Coen de Stéphane de Groodt (9.5 / 20)
Respect du thème : (1 / 2)
Certes, on parle des frères Coen, mais la fratrie n'est pas vraiment au centre du texte. Le jeu de mot sur l'assesseur porte la note à 1/2
Style : (4.5 / 5)
Tout en jeux de mots et tout pour le jeu de mots... Un exercice parfaitement maitrisé. Ce texte est en fait une jubilatoire chronique radiophonique. Cela reste très efficacement drôle même si ça passe un peu moins bien à l'écrit.
Construction : (1 / 5)
Ce texte n'est pas une nouvelle... Histoire décousue et sans intérêt, simple prétexte aux calembours (au sens large, je ne saurais noter toutes les figures de style utilisées ici...)
Dénouement : (0 / 5)
Fin de l'histoire sans chute évidemment. On ne déniche pas non plus de message particulier ou de deuxième niveau de lecture derrière les jeux de mots.
Avis / problème : (3 / 3)
Texte très drôle et particulièrement plaisant. Succession effrénée de jeux de mots habiles qui tient plus du sketch ou de la chronique radiophonique que de la nouvelle. Je comprends que tout le monde n'accroche pas et l'avalanche de mauvaises critiques, mais, personnellement, je suis très client et ce texte reste jubilatoire à la lecture.
Résumé :
Le héros nous entraîne sans trainer dans sa quête inquiète d'une interview des Frères Coen...
La main sur le cœur de François d'Épenoux (14 / 20)
Respect du thème : (2 / 2)
Une mère tente de réconcilier ses enfants. Une fratrie dans laquelle la fraternité refera finalement surface.
Style : (2 / 5)
De nombreux lieux communs pour introduire cette histoire (dispute autour d'un héritage, mère malade). C'est toujours efficace pour poser une situation rapidement dans une nouvelle en faisant appel à des constructions connues, mais je trouve le procédé un peu facile et superficiel.
De nombreuses images un peu douteuses : personne ne pique ses épingles de couture sur son bracelet avec une application de sorcier vaudou. On parle d'un "drame" pour évoquer une banale bagarre entre ados. Ce genre de construction est de nature à me sortir facilement de l'histoire.
Le ton badin de la narration fonctionne généralement plutôt bien mais
tombe parfois à plat (comme cette conversation du soir imaginée après
avoir croisé Napoléon ou les réponses aux questions de la chanson de
Bruel).
Construction : (4 / 5)
Le "drame" de la bagarre entre héros et Sophie n'est pas très spectaculaire :
juste petite anecdote qui ne sert à rien dans la narration. Sans ces
quelques longueurs et style, on est bien mené jusqu'à cette scène
de reconstitution grotesque et on y croit.
Dénouement : (4.5 / 5)
Au final, l'astuce maternelle semble fonctionner car les sœurs rient
comme les fillettes qu'elles étaient. L'auteur ne tombe pas dans le piège d'expliquer lourdement pourquoi
c'est si important pour le héros mais on comprend que ce rire trahit la persistance
des sentiments fraternels sous le vernis adulte. Cette chute est finement suggérée sans
explication redondante, notamment avec le petit jeu de mots final sur le sourire conquérant
de Napoléon.
Avis / problème : (1.5 / 3)
Beaucoup de regrets sur le style, qui plombe un peu l'impression générale. Nouvelle à message qui est finalement bien porté, mais on peut déplorer quelques longueurs.
Résumé :
Pour tenter de réconcilier ses trois enfants brouillés à cause de
l'héritage de leur père, une mère a l'idée saugrenue de reconstituer la
scène d'une photo costumée de leur enfance.
Alors qu'ils
s'exécutent à contre cœur et ridicules dans leurs costumes enfantin, le
héros a une crise cardiaque qui passe d'abord pour de la comédie et qui
déclenche le rire enfantin de ses sœurs. Cette réaction spontanée
trahissant des sentiments fraternels intacts derrière les dures façades
d'adultes.
Aleyna de Karine Giébel (18 / 20)
Respect du thème : (1.5 / 2)
Le point de vue de deux jumeaux sur une même histoire de famille.
Style : (4.5 / 5)
Belle utilisation de la dualité des points de vue qui permet de comprendre l'engrenage infernal dans le quel le frère se retrouve entraîner à participer à un crime sans y avoir consenti. Le dialogue intérieur de la sœur permet de ressentir le poids de la tradition quand on remarque qu'elle s'en veut de se rebeller et de n'être point soumise.
Certaines images sont un peu usées et maladroites (le corset des traditions, le silence qui s'abat comme une coulée de plomb).
La fin est magnifique et le style retranscrit si bien les pensées qui traversent les esprits au moment fatidique que les larmes me sont venues.
Construction : (4.5 / 5)
Belle montée de la tension dramatique, avec la mise en place de l'engrenage implacable. Pas de temps mort dans la construction. Bonne utilisation du double point de vue qui apporte vraiment quelque chose et permet d'introduire naturellement l'excipit.
Dénouement : (5 / 5)
La surprise de la chute a été bien ménagée et permet de parfaitement laisser transparaître la stupeur d'Aleyna. Le tout génère un fort impact émotionnel par la révélation de l'existence de telles horreurs tellement éloignées de notre quotidien et mode de pensée occidental. L'excipit explicatif remet bien en perspective la froideur des chiffres avec la réalité dramatique de ce seul cas particulier, permettant d'apporter un transition glaçante entre la fiction et la réalité.
Avis / problème : (2.5 / 3)
Une nouvelle parfaite si on fait exception de l'utilisation de quelques images maladroite qui, au final, ne font pas sortir de l'histoire. Cette nouvelle suscite toujours une forte émotion sur moi, même après plusieurs lectures. Pour pinailler, une petite interrogation : comment le frère sait-il qu'il y a du sang sur les draps ?
Résumé :
Aleyna, lycéenne française d'origine turque tente d'échapper à son mariage forcé en fuguant chez son petit copain et en se donnant à lui. Malheureusement, son père et ses frères la retrouvent en faisant pression sur sa meilleure amie, et , lorsqu'ils comprennent ce qui s'est passé, le poids de la tradition les force à la tuer pour laver l'honneur familial. Aleyna n'est qu'une des 5000 victimes annuelles de ces féminicides d'un autre âge commis au nom de l'honneur.
Tu peux tout me dire de Douglas Kennedy (9 / 20)
Respect du thème : (1 / 2)
Trahisons dans la famille, plus entre tante et neveu ou mari et femme que réellement entre frères et sœurs...
Style : (4 / 5)
Agréable, description réussies des ambiances, ressentis et souvenirs. Cependant, je fais remarquer que je note ici le texte traduit en français, je ne sais quelle part de ce style agréable en incombe au traducteur ou à l'auteur original...
Construction : (1 / 5)
Les confidences sont bien expliquées par la relation spéciale avec sa tante qui sont bien décrites. Cependant, le cadre est posé trop longuement, avec des détails et des précisions qui n'ont pas d'intérêt dans la construction dramatique (comme la voix artificielle de l'oncle par exemple).
Finalement, l'intrigue se développe principalement grâce à un lieu commun facile qui est utilisé pas moins de trois fois : l'alcool qui délie les langues (le père, puis l'auteur, puis la sœur qui ne sait plus tenir sa langue après deux verres). On a vu plus original et convainquant.
Dénouement : (1 / 5)
C'est un doux euphémisme que de dire que la chute n'est pas vraiment incroyable. Et que la morale finale tombe un peu à plat. On ne comprend pas trop quelles sont les conséquences de cette histoire qui feraient qu'on s'en soucie encore, surtout trente ans plus tard...
Avis / problème : (1 / 3)
Cette histoire ressemble beaucoup plus à un souvenir, à une expérience personnelle qu'à une nouvelle, tant par les détails inutiles qui y sont inclus que par l'apparente platitude lorsqu'elle est observée d'un point de vue extérieur. Si bien que la morale résonne sans doute beaucoup plus pour l'auteur que pour le lecteur.
Résumé :
L'auteur se souvient de sa vie, de son passé familial et particulière d'un soir où, après une dispute conjugale, il s'épand auprès de sa tante jusqu'à confier l'infidélité de son père qu'elle ignorait. Il le regrettera bien vite lorsque son père le tancera d'avoir révélé ce secret et qu'il craindra pendant bien longtemps que sa tante ne révèle tout ce qu'il lui a confié ce soir-là.
Fils unique d'Alexandra Lapierre (11 / 20)
Respect du thème : (1.5 / 2)
Un fils unique à la découverte de sa fratrie cachée.
Style : (3.5 / 5)
Belle écriture, concise et efficace. Pas de fulgurance ni de spéciale beauté littéraire. Exercice épistolaire manquant un poil de réalisme.
Construction : (3.5 / 5)
Rythme correct après une mise en place efficace, complète sans être trop
longue qui laisse parfaitement transparaître l'état d'esprit du héros
(qui n'est pas évidente à dépeindre). Jalons corrects pour la double
chute (le 1er est le fils de sa mère, et son père a bien un enfant
caché)
Dénouement : (1.5 / 5)
Épilogue en double chute, mais pas vraiment de clôture... Ces deux chutes ont finalement l'intensité
dramatique d'un simple rebondissement dans un roman.
Pour la première chute, on apprend que le fils caché n'est pas du père mais
de la mère : et alors ? Si la morale est qu'une famille se base sur des
faux-semblants, la manière d'apporter le message n'est pas très
efficace...
Et deuxième chute semble très superficielle et finalement
n'apporte pas grand chose.
Avis / problème : (1 / 3)
Le style élégant et la jolie construction sauvent une histoire qui ne mène à rien...
J'ai également été gêné par l'artifice qui fait arriver les lettres pile au bon moment pour répondre aux questions que se posent le héros, ou par le fait que la sœur se manifeste si tard et si familièrement...
Résumé :
Paul adore les familles nombreuses. Malheureusement pour lui, il
est fils unique, ses parents âgés disparaissent assez vite et lui-même ne peut
pas avoir d'enfants. Quand il découvre une vieille aventure paternelle
et que se présente la perspective que son père ait eu un fils caché, il
espère découvrir un demi-frère qui lui ressemble mais est extrêmement
déçu par sa rencontre, jusqu'à ce qu'il réalise que cet homme est en
fait le fils caché de sa mère pour laquelle nul n'aurait pu imaginer tel
écart de jeunesse.
Finalement, une femme se manifeste. Elle
est le fruit de l'aventure de jeunesse de son père... Paul n'est plus
vraiment fils unique finalement.
Karen et moi d'Agnès Ledig (14 / 20)
Respect du thème : (1 / 2)
La rencontre et la relation d'un homme et d'une femme, lesbienne, qui s'apparente à un amour fraternel.
Style : (4.5 / 5)
Belle écriture pleine d'images efficaces : les "lambeaux de soi" pour évoquer téléphone ou sac qu'on ne veut pas abandonner. "Un détroit reliant deux
mères". Métaphores filées de la petite souris et du tabac, des menstrues. À regretter, le petit lieu
commun sur caractère du héros qui a peur de l'engagement...
Construction : (3.5 / 5)
Fluide, efficace, qui tend bien vers la résolution sans anicroche ni de réelles
montées de tension. L'écriture tient plus du récit d'anecdote ou de tranche de vie que de nouvelle.
Dénouement : (3 / 5)
Pas de chute ni de résolution puisque pas de tension. Une petite morale
certes : qu'importe la destination de la vie, c'est les personnes avec
qui on fait le voyage qui comptent... C'est un peu tordu pour coller au thème
mais tellement bien écrit que, si l'auteur n'était une femme, on prendrait ce texte pour une auto-biographie, qui génère donc émotions et une certaine identification.
Avis / problème : (2 / 3)
Exagération peut-être de l'importance et de la systématicité du désir
masculin et de la supposée déception à le sacrifier... A contrario,
il est étonnant que le héros n'ai pas pensé une seconde à tenter de "retourner" l'homosexualité de Karen. C'est pourtant un
fantasme classique. Il est donc surprenant que le désir initial soit si facilement remplacé par de
l'amitié fraternel... Pas impossible bien sûr mais cela trace un profil psychologique masculin plutôt atypique et il est facile de conclure qu'il sonne un peu faux parce
que l'auteur est une femme.
Résumé :
Le héros rencontre une jolie fille grâce à une alerte incendie nocturne à
l'hôtel. Ils se découvrent une envie commune d'arrêter de fumer et
finissent par trouver un palliatif : des hugs. Le courant passe tout de
suite, même si la fille coupe court aux espoirs naissants de drague en
annonçant son homosexualité, et Karen devient vite indispensable au
héros, à tel point qu'il ira travailler dans le même journal
qu'elle à Londres, côtoiera ses amies lesbiennes et deviendra père avec
un couple de femmes... Bref, vivra cette vie idéale grâce à son âme-sœur
et cette rencontre inopinée dans un corridor d'hôtel.
La robe bleue de Nadine Monfils (6.5 / 20)
Respect du thème : (0.5 / 2)
Les rêves romantiques de Rose, qui tient un café avec sa sœur.
Style : (3 / 5)
Écriture fleurie dans un registre populaire et belgisant qui colle bien au thème populaire. Franc et direct, sans fioriture.
Construction : (3 / 5)
Bonne montée dramatique. Rose devient de plus en plus suspecte. Flippant
de voir sa sœur embaumée. On imagine toutes les révélations possibles
sur son rôle dans les décès...
Dénouement : (0 / 5)
Cette histoire n'a pas d'épilogue. Elle rêve qu'elle est la victime, elle gagne le concours du jardin et
c'est tout. Soit j'ai raté quelque chose, soit on s'est foutu de nous à
nous emmener dans cette histoire, assez invraisemblable, pour ça.
Avis / problème : (0 / 3)
Et bien, cette histoire n'a pas d'épilogue ! Déjà qu'on a été sympas de fermer les yeux sur l'incroyable disparition non remarquée de sa sœur. Sur la folie meurtrière d'un mec
qui semble stable et prendre la vie du bon côté... Et quel rapport avec
jardin ? En quoi le documentaire inspire l'histoire du meurtre, du
jardin ?
Résumé :
Rose a une vie pourrie : pas belle, douée pour rien, elle a vécu une
enfance terne entre les moqueries des autres et l'indifférence de ses
parents. À leur mort, elle a repris leur bistrot crasseux avec sa sœur
et se tape le sale boulot. Seule sa vieille chienne lui apporte du
réconfort. Un jour, un mystérieux inconnu passe dans le café et Rose se
met à rêver sa vie à ses côtés. Sa sœur et sa chienne décèdent et, pour
les garder près d'elle, elle les fait embaumer. L'inconnu passe quelques
fois, cela nourrit ses rêves, jusqu'à ce qu'un jour, il quitte
précipitamment le bar et soit le lendemain accusé du meurtre d'une femme
qu'il semblait attendre à chacune de ses visites. Cette nuit-là, Rose
rêve que c'est elle la victime, et elle gagne le concours du plus beau
jardin. Inspiré par un documentaire sur une femme vivant avec ses chiens
empaillés.
Le Premier Rom sur la Lune de Romain Puértolas (14.5 / 20)
Respect du thème : (1 / 2)
Se raccroche au thème de la gémellité et tente de le développer un petit peu, mais ce n'est clairement pas au cœur du sujet.
Style : (4 / 5)
Écrit avec légèreté. Titre long, typique, qui demande immédiatement
une forte suspension de l'incrédulité qui fonctionne. Plein d'humour.
Concis, bon rythme sans longueur et bonne maîtrise des aller-retours
entre faits, pensées et différents points de vue.
Construction : (4 / 5)
Bonne construction de l'attente de chute avec des évènements de plus en
plus invraisemblables qui portent à croire que l'auteur ne pourra jamais s'en sortir. Bonne
préparation de la résolution avec de nombreux éléments raccrochant ce rêve au réel et le rendant ainsi parfaitement crédible (noms, boules
oranges puis multicolores...)
Dénouement : (4 / 5)
Grâce au rêve, tout est explicable et l'auteur a bien pris la peine de relier plusieurs
détails à la réalité. Petit message politique à l'intérieur, un peu naïf
mais assez efficace.
Avis / problème : (1.5 / 3)
Quelques détails m'ont dérangé : le sol lunaire est en régolite, pas en
sable. Une canette d'alu ne peut pas se recycler en fer ou en zinc. Ce Rom
a un nom très roumain.
Résumé :
Le héros, un rom vivant misérablement de récup en France, se retrouve par
erreur sur la Lune à cause de la fusée qu'il avait construit pour
rejoindre Bucarest afin de fêter son anniversaire avec sa jumelle et sa
fille. Alors qu'il cherche désespérément de quoi réparer pour repartir,
il épuise ses maigres réserves d'oxygène et s'apprête à mourir en
repensant à sa vie difficile et à celles qu'il aime. Au dernier moment,
il est sauvé par 2 extraterrestres sphériques oranges s'appelant X24.
Ils l'emmènent dans leur cité utopique, égalitaire et multicolore pour
lui poser tellement de questions sur l'humanité qu'il en perd
connaissance. Quand il revient à lui, il se retrouve mendiant avec sa
sœur et sa nièce sur un trottoir de Paris. S'il ne prend pas ses gélules
X24, il a des hallucinations et se retrouve "dans la lune", où il est
mieux que sur Terre, mais ici, au moins, il n'a pas faillit à sa
promesse d'être près de sa sœur pour leur anniversaire.
Jumeaux, trop jumeaux de Bernard Werber (10 / 20)
Respect du thème : (1.5 / 2)
Les retrouvailles de deux jumeaux monozygotes. Gémellité et même fraternité au cœur de la nouvelle.
Style : (3 / 5)
Concis et clair. Utilisation classique pour Werber des différents points
de vue plutôt réussie même si l'idée qu'ils pensent la même chose est
assez vite éculée et pourtant répétée à l'envi.
Construction : (3 / 5)
Bonne montée dramatique. On comprend progressivement ce qui se passe et
l'utilisation des deux voix intérieures est judicieux. La vraisemblance de
l'autorisation par un comité d'éthique d'un tel procédé est faible et on dérive vite sur du paranormal
(Noosphere) cher à Werber. Du coup, dialogues perdent en réalisme,
surtout de la part d'avocats...
Dénouement : (2 / 5)
Décevant. La phase de description de l'action est bâclée et stéréotypée. La facilité avec laquelle ils s'échappent est très
étonnante. Leur destin peu clair. On sent que l'action n'est pas au cœur
de la nouvelle. Or, la conclusion sur la souhaitable connexion des
êtres humains via la Noosphère est discutable et ces théories de la part
d'un journaliste scientifique sont toujours au moins surprenante.
Avis / problème : (0.5 / 3)
Scénario invraisemblable. Comment s'échapper si facilement alors que la
police semble se méfier ? Côté gourou new age de Werber dérangeant.
Résumé :
Deux jumeaux séparés à la naissance sont réunis par le FBI dans le
cadre d'une enquête criminelle. En effet, on a remarqué que bien
qu'élevés dans des cadres très différents, leurs vies sont exactement
identiques.
Or, un des jumeaux a tué son patron tandis que le patron du
second a été retrouvé mort sans qu'on puisse confirmer les soupçons
pesant sur lui. On espère donc que cette rencontre, désirée par
les frères, fasse avancer l'enquête.
Très vite, tous constatent qu'un
lien invisible fusionnel les relie et l'électrochoc attendu se produit.
Le suspect avoue le crime tandis que son frère en profite pour voler une
arme. Ils s'enfuient au Canada avec comme otage la chercheuse qui a
organisé leur rencontre et qui est comblée d'avoir permis les
retrouvailles de ces êtres si parfaitement complices. Et elle ne peut
s'empêcher de rêver au jour où l'humanité arriverait à un tel état
parfait de connexion collective...