mercredi 19 août 2015

Fous-y don' perdre et quelques autres expressions de chez nous

Mon article sur la visite de la grotte des Moidons, réalisée par une guide 100% pur jus d'épicéa Made in Jura comme on dit, m'a donné envie de recenser quelques expressions de patois jurassien, qui fait partie de la famille non pas des langues d'oc, non pas des langues d'oïl, mais de l'arpitan, qu'on appelait il y a peu encore, le franco-provençal pour souligner son caractère hybride entre les deux grandes familles.

Commençons par l'expression éponyme de cet article :

Foutre perdre = jeter, et à la place de dire fous-le perdre ou fous-la perdre, le jurassien aime bien utiliser le pronom passe-partout "y"... Vois-y j'te dis ! Et pour accentuer, un petit donc prononcé avec la couleur locale sera ajouter à la fin... Fous-y don' perdre, j'te dis vendiou !

Quelques arbres vus dans l'article précédent. La pesse et le foyard, habitants du Haut-Jura... Y'a aussi la verne mais je ne suis pas sûr de son nom en français, l'aulne d'après mon ami Google. Tout juste bon à foutre au feu...

Y va faire du temps = une des phrases fétiches du grand-père annonçant pour sûr des orages...

Sourayou = adjectif qualifiant un endroit sinistre, où on ne se sent pas bien. Haha, y'a pas de mot en français pour dire ça, hein ?

Capouiller = rendre trouble (l'eau)... Oh, ces gosses ont encore capouillé toute l'eau de la fontaine avec leur ballon !
Frouiller = Tricher, gruger... Ces deux-là frouillent aux cartes et s'entendent comme deux larrons en foire...

Tomber comme une chougne = il suffit de savoir que la chougne est le mot arpitan pour la bouse de vache, et l'image est frappante (ou éclaboussante au choix). Là encore, mon épouse parisienne m'a avoué avoir surpris une conversation récemment où un enfant tentait d'exprimer cette idée sans succès et a fini par se rabattre sur "il est tombé comme un caca", faute de mieux... Le jurassien démontre une fois de plus son indispensable apport à toute conversation un tantinet relevée.


Et quelques mots en vrac qui semble-t-il ne sont pas français !!
Une rapponse ou un plottet... Tout le monde connaît ça pourtant, non ?

En revanche, une autre expression, employée dans la famille, ne semble pas venir de l'arpitan. Nous utilisons en effet le verbe pinocher. Principalement dans l'expression : Pinoche pas dans le plat.
Pinocher = se servir une bouchée ou deux dans le plat sans faire transiter la nourriture par l'assiette.
Mon ami Google m'apprend que cela vient de l'ancien français et qu'on utilise d'ailleurs plus souvent la forme pignocher. La définition globalement reconnue étant : Manger sans appétit et en ne prenant que de très petits morceaux. L'idée générale est conservée mais chez nous, c'est plus signe de gourmandise que de manque d'appétit...

Enfin, une tournure qui hérisse le poil de mon épouse : "Il va pas faire quoi ? Tu vas pas aller où ?" Pour ceux qui ne comprennent pas, cela signifie : "Mais que peut-il bien faire ?" Sous-entendu : rien. Ou encore "Mais où pourrais-tu bien aller mon pauvre ?" Tournure testée à Paris sans succès, pourtant je peux vous assurer que la question est parfaitement compréhensible partout dans le Jura...

Mise à jour d'avril 2016 : si vous aussi vous souhaitez partager des expressions de votre région, recherchez et remplissez le formulaire de crowdsourcing mis en ligne par l'Université de Strasbourg...

mardi 18 août 2015

Les Grottes des Moidons (39)

Les grottes des Moidons, situées en pleine forêt domaniale du même nom sur la commune de Molain, est la plus grande du Jura.
Pourtant, sa découverte est très tardive : 1966, et les inventeurs ont trouvé sa seule entrée en creusant là où s'échappait un courant d'air froid en été.
Les stalactites et stalagmites y sont très impressionnantes et pourtant elles ne grandissent par concrétion que d'un centimètre par siècle...
Le même phénomène de dépose du calcaire explique la présence de quelques flaques (l'eau s'infiltrant globalement dans le sol perméable), les "gourds"

Autour, un petit parcours forestier nous rappelle comment différentier ormes et hêtres (les "fayards"/"foyards" pour le grand-père) ainsi que les sapins des épicéas (les "pesses" puisque nous en sommes à explorer la variante jurassienne de l'arpitan)... Une astuce parmi d'autres : les épines du sapin sont plates, d'un vert plus tendre en dessous, peu piquantes et disposées en peigne alors que les épines des pesses sont rondes, de couleur uniforme, piquantes et disposées en brosse autour de la branche.