mardi 10 mai 2022

Critique des nouvelles du recueil : 13 à table ! (2016)

Suite logique de notre premier article de critiques de nouvelles concernant le premier opus de la série 13 à table ! voici la critique du deuxième opus, regroupant douze nouvelles sur le thème "frères et sœurs"... Je considérerait qu'on peut traiter le sujet soit sur le thème de la fratrie, soit sur celui, plus en ligne avec les Restos du Cœur, de la fraternité... Avec bien sûr un petit bonus aux auteurs combinant les deux sujets.

Tout d'abord, un petit condensé des quelques notations que j'ai pu dénicher sur Internet. J'en ai trouvé moins que pour le premier recueil. La note est donc moins significative, mais la tendance générale se détache quand même un peu.

Plus clairement, de la meilleure à la moins bonne note :

  1. Aleyna de Karine Giebel (4.1 / 5)
  2. La Seconde Morte de Michel Bussi (3.9 / 5)
  3. Karen et moi d'Agnès Ledig (3.6 / 5)
  4. Ceci est mon corps, ceci est mon péché de Maxime Chattam (3.4 / 5)
  5. Jumeaux, trop jumeaux de Bernard Werber (3.2 / 5)
  6. La Main sur le cœur de François d'Épenoux (3.1 / 5)
  7. Le Premier Rom sur la Lune de Romain Puértolas (3.0 / 5)
  8. Fils unique d'Alexandra Lapierre (2.9 / 5)
  9. Cent balles de Françoise Bourdin (2.6 / 5)
  10. La Robe bleue de Nadine Monfils (2.5 / 5)
  11. Tu peux tout me dire de Douglas Kennedy (2.3 / 5)
  12. Frères Coen de Stéphane De Groodt (2.2 / 5)

On retrouve en effet à la lecture des avis non notés, un coup de cœur presque unanime pour le très beau texte de Karine Giebel, ainsi qu'une adhésion très forte aux nouvelles de Michel Bussi et Agnès Ledig. A contrario, les productions de Nadine Monfils et Douglas Kennedy n'ont pas emporté l'adhésion des critiques. Les avis sur les autres nouvelles sont toujours partagés, avec une mention spéciale pour Frères Coen de Stéphane de Groodt, adoré par un petit nombre et rejeté en masse comme hors sujet ou incompréhensible pour la majorité.

Passons à présent au détail de mes notations de chaque texte critère par critère et à toutes mes remarques concernant ces textes. Si vous n'avez pas encore lu le recueil, je ne peux que vous conseiller de stopper ici la lecture de cet article, le plaisir de la découverte serait sans aucun doute complètement gâché par les révélations qui suivent.

Cent balles de Françoise Bourdin (10.5 / 20)

Respect du thème : (2 / 2)

Une histoire de fratrie où la fraternité est bien mise à l'honneur. Thème doublement respecté.

Style : (2 / 5)

Les personnages sont caricaturaux, les lieux communs se comptent par dizaine (le bohème qui se nourrit de pizzas vs. le travailleur qui, accaparé par son job, perd le contact avec son fils. Conséquence, bien sûr, le fils se drogue...)
Introduction longuette et décousue ; on passe d'un personnage à l'autre sans lieu. Il y a sans doute moyen de présenter l'intrigue et de faire ressentir l'ambiance et ses enjeux particuliers plus sobrement et élégamment.
Point positif, la façon dont est traitée la description de la complexité des sentiments, le cœur du héros qui balance entre raison et amour et qui finit par faire son choix.

Construction : (2 / 5)

Un peu de tension mais rien d'extraordinaire. On devine que le fils se drogue bien avant que cette "révélation" n'arrive. Quelques points dans la construction qui auraient été dérangeant (pourquoi, alors qu'il a réussi à être contacté avant, le fils appelle du téléphone de l'oncle par exemple) qui sont bien anticipés.

Dénouement : (3 / 5)

Première chute assez bien amenée : c'est le fils et non le frère qui est rentré en taxi et qui finalement, préfère son oncle. Bien joué l'idée de nettoyage de la banquette à cause du sang tout en laissant penser à tous qu'il s'agit de vomi.
Vient ensuite la conclusion sur la confiance apportée à son frère, la force du lien. Mais j'aime peu l'idée de donner tout l'argent comme s'il lui confiait toute responsabilité dans l'éducation et la paternité, c'est certes symbolique mais trop irréaliste à mon avis.

Avis / problème : (1.5 / 3)

Nouvelle assez plate, mise en place longue, lieux communs, artifices narratifs grossiers. Fin acceptable dans la narration mais l'essentiel du message est ailleurs, avec l'introduction habile d'une morale qui peut sembler un naïve mais qui décrit joliment l'ambivalence du sentiment entre frères, entre condamnation des comportements différents et tendresse ; l'amour l'emportant évidemment à la fin.

Résumé : 

Charles a réussi dans la vie. Ce n'est pas vraiment le cas de son frère Florian qui lui tape 100 balles régulièrement. Mais au fond Charles se complaît dans cette relation, et quand le fils de Charles a des ennuis, c'est son oncle qu'il appelle spontanément et Charles en est finalement reconnaissant à Florian.

La seconde morte de Michel Bussi (17.5 / 20)

Respect du thème : (1.5 / 2)

La relation d'une fille avec sa grande sœur.

Style : (4.5 / 5)

Impeccable, sobre et efficace, au service de la narration.

Construction : (5 / 5)

Intrigue très bien menée, petits indices distillés subtilement (page Facebook à effacer) et fausses pistes crédibles (demi-sœur ?) qui masquent bien la réelle chute. L'héroïne n'est pas totalement folle et nous apparaît presque normale mais prise dans la spirale du mensonge ce qui rend l'identification possible et donc démultiplie l'impact de la nouvelle.

Dénouement : (5 / 5)

Presque inattendu jusqu'à la fin, bien expliqué en quelques phrases, pas besoin aller plus loin dans les conséquences et donc la fin reste également ouverte, on nous laisse imaginer la réaction du marié...

Avis / problème : (1.5 / 3)

Alexandra Leroy existe-t-elle vraiment (celle de l'école) et dans ce cas peut être contactée par ailleurs et il est étonnant que personne ne l'ait fait en tellement d'années. Et si c'est une pure invention, comment expliquer l'existence des photos et l'absence d'autres traces de son travail que sur Facebook et Instagram par exemple...
A la première lecture, je dirais que le tout reste crédible car bien expliqué. Mais en y repensant et en pinaillant, on peut remettre en cause la crédibilité de la situation.

Résumé :

Aurélie vit dans l'ombre de sa grande sœur Alexandra. A l'école, les professeur espéraient qu'elle serait aussi douée, même chose dans son travail. Tout le monde s'intéresse à Aurélie d'abord par fascination pour Alexandra. Même son copain tentera de la tromper avec elle, à tel point qu’Aurélie rêve de la supprimer. Mais Alexandra vit loin, donne rarement des nouvelles et est coupée de la famille et la vie se passe bien pour Aurélie, qui profite du halo de sa sœur pour briller modestement : bon job, bébé en vue et bientôt le mariage auquel Alexandra n'est pas conviée, au grand dam du patron d’Aurélie qui a toujours rêvé de se rapprocher de la star Alexandra par l'entremise d’Aurélie, et surtout du nouveau mari, qui, bien éméché, n'y tient plus et aborde le sujet absolument tabou avec ses beaux parents... Pour se rendre compte qu’Aurélie est fille unique et s'est depuis toujours inventé une grande sœur.

Ceci est mon corps, ceci est mon péché de Maxime Chattam (12.5 / 20)

Respect du thème : (2 / 2)

Frères et sœurs illégitimes deviennent un repas. Jolie combinaison du thème de l'année avec celui de l'année précédente et/ou le titre du recueil.

Style : (4 / 5)

Bien écrit, sobre et efficace dans l'ensemble. Quelques belles tentatives d'images (points reliés pour dessin d'ensemble, malheureusement lourdement expliquée ensuite, comme pour abaisser au niveau lecteur moyen), "horreur à digérer", "la vérité est une pute" . Un peu de lourdeur et de lieux communs pour tenter de faire passer l'horreur : "comme si la lumière vacillait", picole pour oublier...
Comme l'année dernière, l'introduction est particulièrement soignée : on imagine sans en être sûr qu'on parle d'un tueur. Pas de surprise qui l'aurait rendue magistrale mais très bon incipit tout de même.

Construction : (3.5 / 5)

Maxime Chattam décrit méticuleusement tous les éléments connus qu'on apprend en même temps que le héros. Tout est sans faille et parfait pour préparer une belle chute et une révélation fracassante et surprenante sauf que..

Dénouement : (1.5 / 5)

... il n'y a pas de chute ! Au final on ne l'attrape pas. Si bien que cette jolie construction est d'autant plus facile à échafauder qu'il n'est pas nécessaire d'y prévoir la brèche dissimulée qui permettra de tout faire s'effondrer. On reste donc sans réponse, et sans piste, sur comment le tueur trouve ses victimes, le lien avec les consommateurs, la motivation, etc. On comprend avec le titre que le mobile est de faire expier la faute adultère dans une espèce d'eucharistie, mais l'hypothèse surnaturelle n'est pas vraiment satisfaisante ni crédible de la part d'un enquêteur, et le conseil final "faites attention aux food-trucks et à ce que vous mangez, ou qui vous mangez" ne fait pas vraiment peur ni ne pousse à la réflexion...

Avis / problème : (1.5 / 3)

On sort un peu de l'histoire à cause de questions artificielles du héros qui découvre la situation : l'auteur utilise ce fâcheux artifice d'exposer le drame via les dialogues plutôt que d'écrire des conversations naturelles.
Petit soucis de timing avec 70 crimes restreints sur une partie de l'automne seulement, ce qui rend le nombre peu crédible... Pourquoi d'ailleurs restreindre l'activité du tueur sur cette période, j'avoue ne pas avoir compris le message.

Résumé : 

Le héros, enquêteur au FBI, se retrouve confronté au plus gros dossier de serial killer de l'histoire : un homme enlève des enfants illégitimes, les transforme en burgers pour les servir à ses demi-frères et sœurs... Après des années de traque où le meurtrier ne semble faire absolument aucune erreur et ne laisse aucune trace, il est repéré mais finit par échapper une fois encore aux policiers à la dernière minute en se faisant remplacer.

Frères Coen de Stéphane de Groodt (9.5 / 20)

Respect du thème : (1 / 2)

Certes, on parle des frères Coen, mais la fratrie n'est pas vraiment au centre du texte. Le jeu de mot sur l'assesseur porte la note à 1/2

Style : (4.5 / 5)

Tout en jeux de mots et tout pour le jeu de mots... Un exercice parfaitement maitrisé. Ce texte est en fait une jubilatoire chronique radiophonique. Cela reste très efficacement drôle même si ça passe un peu moins bien à l'écrit.

Construction : (1 / 5)

Ce texte n'est pas une nouvelle... Histoire décousue et sans intérêt, simple prétexte aux calembours (au sens large, je ne saurais noter toutes les figures de style utilisées ici...)

Dénouement : (0 / 5)

Fin de l'histoire sans chute évidemment. On ne déniche pas non plus de message particulier ou de deuxième niveau de lecture derrière les jeux de mots.

Avis / problème : (3 / 3)

Texte très drôle et particulièrement plaisant. Succession effrénée de jeux de mots habiles qui tient plus du sketch ou de la chronique radiophonique que de la nouvelle. Je comprends que tout le monde n'accroche pas et l'avalanche de mauvaises critiques, mais, personnellement, je suis très client et ce texte reste jubilatoire à la lecture.

Résumé : 

Le héros nous entraîne sans trainer dans sa quête inquiète d'une interview des Frères Coen...

La main sur le cœur de François d'Épenoux (14 / 20)

Respect du thème : (2 / 2)

Une mère tente de réconcilier ses enfants. Une fratrie dans laquelle la fraternité refera finalement surface.

Style : (2 / 5)

De nombreux lieux communs pour introduire cette histoire (dispute autour d'un héritage, mère malade). C'est toujours efficace pour poser une situation rapidement dans une nouvelle en faisant appel à des constructions connues, mais je trouve le procédé un peu facile et superficiel.

De nombreuses images un peu douteuses : personne ne pique ses épingles de couture sur son bracelet avec une application de sorcier vaudou. On parle d'un "drame" pour évoquer une banale bagarre entre ados. Ce genre de construction est de nature à me sortir facilement de l'histoire.

Le ton badin de la narration fonctionne généralement plutôt bien mais tombe parfois à plat (comme cette conversation du soir imaginée après avoir croisé Napoléon ou les réponses aux questions de la chanson de Bruel).

Construction : (4 / 5)

Le "drame" de la bagarre entre héros et Sophie n'est pas très spectaculaire : juste petite anecdote qui ne sert à rien dans la narration. Sans ces quelques longueurs et style, on est bien mené jusqu'à cette scène de reconstitution grotesque et on y croit.

Dénouement : (4.5 / 5)

Au final, l'astuce maternelle semble fonctionner car les sœurs rient comme les fillettes qu'elles étaient. L'auteur ne tombe pas dans le piège d'expliquer lourdement pourquoi c'est si important pour le héros mais on comprend que ce rire trahit la persistance des sentiments fraternels sous le vernis adulte. Cette chute est finement suggérée sans explication redondante, notamment avec le petit jeu de mots final sur le sourire conquérant de Napoléon.

Avis / problème : (1.5 / 3)

Beaucoup de regrets sur le style, qui plombe un peu l'impression générale. Nouvelle à message qui est finalement bien porté, mais on peut déplorer quelques longueurs.

Résumé : 

Pour tenter de réconcilier ses trois enfants brouillés à cause de l'héritage de leur père, une mère a l'idée saugrenue de reconstituer la scène d'une photo costumée de leur enfance. 

Alors qu'ils s'exécutent à contre cœur et ridicules dans leurs costumes enfantin, le héros a une crise cardiaque qui passe d'abord pour de la comédie et qui déclenche le rire enfantin de ses sœurs. Cette réaction spontanée trahissant des sentiments fraternels intacts derrière les dures façades d'adultes.

Aleyna de Karine Giébel (18 / 20)

Respect du thème : (1.5 / 2)

Le point de vue de deux jumeaux sur une même histoire de famille.

Style : (4.5 / 5)

Belle utilisation de la dualité des points de vue qui permet de comprendre l'engrenage infernal dans le quel le frère se retrouve entraîner à participer à un crime sans y avoir consenti. Le dialogue intérieur de la sœur permet de ressentir le poids de la tradition quand on remarque qu'elle s'en veut de se rebeller et de n'être point soumise.

Certaines images sont un peu usées et maladroites (le corset des traditions, le silence qui s'abat comme une coulée de plomb).

La fin est magnifique et le style retranscrit si bien les pensées qui traversent les esprits au moment fatidique que les larmes me sont venues.

Construction : (4.5 / 5)

Belle montée de la tension dramatique, avec la mise en place de l'engrenage implacable. Pas de temps mort dans la construction. Bonne utilisation du double point de vue qui apporte vraiment quelque chose et permet d'introduire naturellement l'excipit.

Dénouement : (5 / 5)

La surprise de la chute a été bien ménagée et permet de parfaitement laisser transparaître la stupeur d'Aleyna. Le tout génère un fort impact émotionnel par la révélation de l'existence de telles horreurs tellement éloignées de notre quotidien et mode de pensée occidental. L'excipit explicatif remet bien en perspective la froideur des chiffres avec la réalité dramatique de ce seul cas particulier, permettant d'apporter un transition glaçante entre la fiction et la réalité.

Avis / problème : (2.5 / 3)

Une nouvelle parfaite si on fait exception de l'utilisation de quelques images maladroite qui, au final, ne font pas sortir de l'histoire. Cette nouvelle suscite toujours une forte émotion sur moi, même après plusieurs lectures. Pour pinailler, une petite interrogation : comment le frère sait-il qu'il y a du sang sur les draps ?

Résumé : 

Aleyna, lycéenne française d'origine turque tente d'échapper à son mariage forcé en fuguant chez son petit copain et en se donnant à lui. Malheureusement, son père et ses frères la retrouvent en faisant pression sur sa meilleure amie, et , lorsqu'ils comprennent ce qui s'est passé, le poids de la tradition les force à la tuer pour laver l'honneur familial. Aleyna n'est qu'une des 5000 victimes annuelles de ces féminicides d'un autre âge commis au nom de l'honneur.

Tu peux tout me dire de Douglas Kennedy (9 / 20)

Respect du thème : (1 / 2)

Trahisons dans la famille, plus entre tante et neveu ou mari et femme que réellement entre frères et sœurs...

Style : (4 / 5)

Agréable, description réussies des ambiances, ressentis et souvenirs. Cependant, je fais remarquer que je note ici le texte traduit en français, je ne sais quelle part de ce style agréable en incombe au traducteur ou à l'auteur original...

Construction : (1 / 5)

Les confidences sont bien expliquées par la relation spéciale avec sa tante qui sont bien décrites. Cependant, le cadre est posé trop longuement, avec des détails et des précisions qui n'ont pas d'intérêt dans la construction dramatique (comme la voix artificielle de l'oncle par exemple).

Finalement, l'intrigue se développe principalement grâce à un lieu commun facile qui est utilisé pas moins de trois fois : l'alcool qui délie les langues (le père, puis l'auteur, puis la sœur qui ne sait plus tenir sa langue après deux verres). On a vu plus original et convainquant.

Dénouement : (1 / 5)

C'est un doux euphémisme que de dire que la chute n'est pas vraiment incroyable. Et que la morale finale tombe un peu à plat. On ne comprend pas trop quelles sont les conséquences de cette histoire qui feraient qu'on s'en soucie encore, surtout trente ans plus tard...

Avis / problème : (1 / 3)

Cette histoire ressemble beaucoup plus à un souvenir, à une expérience personnelle qu'à une nouvelle, tant par les détails inutiles qui y sont inclus que par l'apparente platitude lorsqu'elle est observée d'un point de vue extérieur. Si bien que la morale résonne sans doute beaucoup plus pour l'auteur que pour le lecteur.

Résumé : 

L'auteur se souvient de sa vie, de son passé familial et particulière d'un soir où, après une dispute conjugale, il s'épand auprès de sa tante jusqu'à confier l'infidélité de son père qu'elle ignorait. Il le regrettera bien vite lorsque son père le tancera d'avoir révélé ce secret et qu'il craindra pendant bien longtemps que sa tante ne révèle tout ce qu'il lui a confié ce soir-là.

Fils unique d'Alexandra Lapierre (11 / 20)

Respect du thème : (1.5 / 2)

Un fils unique à la découverte de sa fratrie cachée.

Style : (3.5 / 5)

Belle écriture, concise et efficace. Pas de fulgurance ni de spéciale beauté littéraire. Exercice épistolaire manquant un poil de réalisme.

Construction : (3.5 / 5)

Rythme correct après une mise en place efficace, complète sans être trop longue qui laisse parfaitement transparaître l'état d'esprit du héros (qui n'est pas évidente à dépeindre). Jalons corrects pour la double chute (le 1er est le fils de sa mère, et son père a bien un enfant caché)

Dénouement : (1.5 / 5)

Épilogue en double chute, mais pas vraiment de clôture... Ces deux chutes ont finalement l'intensité dramatique d'un simple rebondissement dans un roman.

Pour la première chute, on apprend que le fils caché n'est pas du père mais de la mère : et alors ? Si la morale est qu'une famille se base sur des faux-semblants, la manière d'apporter le message n'est pas très efficace...

Et deuxième chute semble très superficielle et finalement n'apporte pas grand chose.

Avis / problème : (1 / 3)

Le style élégant et la jolie construction sauvent une histoire qui ne mène à rien...

J'ai également été gêné par l'artifice qui fait arriver les lettres pile au bon moment pour répondre aux questions que se posent le héros, ou par le fait que la sœur se manifeste si tard et si familièrement...

Résumé : 

Paul adore les familles nombreuses. Malheureusement pour lui, il est fils unique, ses parents âgés disparaissent assez vite et lui-même ne peut pas avoir d'enfants. Quand il découvre une vieille aventure paternelle et que se présente la perspective que son père ait eu un fils caché, il espère découvrir un demi-frère qui lui ressemble mais est extrêmement déçu par sa rencontre, jusqu'à ce qu'il réalise que cet homme est en fait le fils caché de sa mère pour laquelle nul n'aurait pu imaginer tel écart de jeunesse.

Finalement, une femme se manifeste. Elle est le fruit de l'aventure de jeunesse de son père... Paul n'est plus vraiment fils unique finalement.

Karen et moi d'Agnès Ledig (14 / 20)

Respect du thème : (1 / 2)

La rencontre et la relation d'un homme et d'une femme, lesbienne, qui s'apparente à un amour fraternel.

Style : (4.5 / 5)

Belle écriture pleine d'images efficaces : les "lambeaux de soi" pour évoquer téléphone ou sac qu'on ne veut pas abandonner. "Un détroit reliant deux mères". Métaphores filées de la petite souris et du tabac, des menstrues. À regretter, le petit lieu commun sur caractère du héros qui a peur de l'engagement...

Construction : (3.5 / 5)

Fluide, efficace, qui tend bien vers la résolution sans anicroche ni de réelles montées de tension. L'écriture tient plus du récit d'anecdote ou de tranche de vie que de nouvelle.

Dénouement : (3 / 5)

Pas de chute ni de résolution puisque pas de tension. Une petite morale certes : qu'importe la destination de la vie, c'est les personnes avec qui on fait le voyage qui comptent... C'est un peu tordu pour coller au thème mais tellement bien écrit que, si l'auteur n'était une femme, on prendrait ce texte pour une auto-biographie, qui génère donc émotions et une certaine identification.

Avis / problème : (2 / 3)

Exagération peut-être de l'importance et de la systématicité du désir masculin et de la supposée déception à le sacrifier... A contrario, il est étonnant que le héros n'ai pas pensé une seconde à tenter de "retourner" l'homosexualité de Karen. C'est pourtant un fantasme classique. Il est donc surprenant que le désir initial soit si facilement remplacé par de l'amitié fraternel... Pas impossible bien sûr mais cela trace un profil psychologique masculin plutôt atypique et il est facile de conclure qu'il sonne un peu faux parce que l'auteur est une femme.

Résumé : 

Le héros rencontre une jolie fille grâce à une alerte incendie nocturne à l'hôtel. Ils se découvrent une envie commune d'arrêter de fumer et finissent par trouver un palliatif : des hugs. Le courant passe tout de suite, même si la fille coupe court aux espoirs naissants de drague en annonçant son homosexualité, et Karen devient vite indispensable au héros, à tel point qu'il ira travailler dans le même journal qu'elle à Londres, côtoiera ses amies lesbiennes et deviendra père avec un couple de femmes... Bref, vivra cette vie idéale grâce à son âme-sœur et cette rencontre inopinée dans un corridor d'hôtel.

La robe bleue de Nadine Monfils (6.5 / 20)

Respect du thème : (0.5 / 2)

Les rêves romantiques de Rose, qui tient un café avec sa sœur.

Style : (3 / 5)

Écriture fleurie dans un registre populaire et belgisant qui colle bien au thème populaire. Franc et direct, sans fioriture.

Construction : (3 / 5)

Bonne montée dramatique. Rose devient de plus en plus suspecte. Flippant de voir sa sœur embaumée. On imagine toutes les révélations possibles sur son rôle dans les décès...

Dénouement : (0 / 5)

Cette histoire n'a pas d'épilogue. Elle rêve qu'elle est la victime, elle gagne le concours du jardin et c'est tout. Soit j'ai raté quelque chose, soit on s'est foutu de nous à nous emmener dans cette histoire, assez invraisemblable, pour ça.

Avis / problème : (0 / 3)

Et bien, cette histoire n'a pas d'épilogue ! Déjà qu'on a été sympas de fermer les yeux sur l'incroyable disparition non remarquée de sa sœur. Sur la folie meurtrière d'un mec qui semble stable et prendre la vie du bon côté... Et quel rapport avec jardin ? En quoi le documentaire inspire l'histoire du meurtre, du jardin ?

Résumé : 

Rose a une vie pourrie : pas belle, douée pour rien, elle a vécu une enfance terne entre les moqueries des autres et l'indifférence de ses parents. À leur mort, elle a repris leur bistrot crasseux avec sa sœur et se tape le sale boulot. Seule sa vieille chienne lui apporte du réconfort. Un jour, un mystérieux inconnu passe dans le café et Rose se met à rêver sa vie à ses côtés. Sa sœur et sa chienne décèdent et, pour les garder près d'elle, elle les fait embaumer. L'inconnu passe quelques fois, cela nourrit ses rêves, jusqu'à ce qu'un jour, il quitte précipitamment le bar et soit le lendemain accusé du meurtre d'une femme qu'il semblait attendre à chacune de ses visites. Cette nuit-là, Rose rêve que c'est elle la victime, et elle gagne le concours du plus beau jardin. Inspiré par un documentaire sur une femme vivant avec ses chiens empaillés.

Le Premier Rom sur la Lune de Romain Puértolas (14.5 / 20)

Respect du thème : (1 / 2)

Se raccroche au thème de la gémellité et tente de le développer un petit peu, mais ce n'est clairement pas au cœur du sujet.

Style : (4 / 5)

Écrit avec légèreté. Titre long, typique, qui demande immédiatement une forte suspension de l'incrédulité qui fonctionne. Plein d'humour. Concis, bon rythme sans longueur et bonne maîtrise des aller-retours entre faits, pensées et différents points de vue.

Construction : (4 / 5)

Bonne construction de l'attente de chute avec des évènements de plus en plus invraisemblables qui portent à croire que l'auteur ne pourra jamais s'en sortir. Bonne préparation de la résolution avec de nombreux éléments raccrochant ce rêve au réel et le rendant ainsi parfaitement crédible (noms, boules oranges puis multicolores...)

Dénouement : (4 / 5)

Grâce au rêve, tout est explicable et l'auteur a bien pris la peine de relier plusieurs détails à la réalité. Petit message politique à l'intérieur, un peu naïf mais assez efficace.

Avis / problème : (1.5 / 3)

Quelques détails m'ont dérangé : le sol lunaire est en régolite, pas en sable. Une canette d'alu ne peut pas se recycler en fer ou en zinc. Ce Rom a un nom très roumain.

Résumé : 

Le héros, un rom vivant misérablement de récup en France, se retrouve par erreur sur la Lune à cause de la fusée qu'il avait construit pour rejoindre Bucarest afin de fêter son anniversaire avec sa jumelle et sa fille. Alors qu'il cherche désespérément de quoi réparer pour repartir, il épuise ses maigres réserves d'oxygène et s'apprête à mourir en repensant à sa vie difficile et à celles qu'il aime. Au dernier moment, il est sauvé par 2 extraterrestres sphériques oranges s'appelant X24. Ils l'emmènent dans leur cité utopique, égalitaire et multicolore pour lui poser tellement de questions sur l'humanité qu'il en perd connaissance. Quand il revient à lui, il se retrouve mendiant avec sa sœur et sa nièce sur un trottoir de Paris. S'il ne prend pas ses gélules X24, il a des hallucinations et se retrouve "dans la lune", où il est mieux que sur Terre, mais ici, au moins, il n'a pas faillit à sa promesse d'être près de sa sœur pour leur anniversaire.

Jumeaux, trop jumeaux de Bernard Werber (10 / 20)

Respect du thème : (1.5 / 2)

Les retrouvailles de deux jumeaux monozygotes. Gémellité et même fraternité au cœur de la nouvelle.

Style : (3 / 5)

Concis et clair. Utilisation classique pour Werber des différents points de vue plutôt réussie même si l'idée qu'ils pensent la même chose est assez vite éculée et pourtant répétée à l'envi.

Construction : (3 / 5)

Bonne montée dramatique. On comprend progressivement ce qui se passe et l'utilisation des deux voix intérieures est judicieux. La vraisemblance de l'autorisation par un comité d'éthique d'un tel procédé est faible et on dérive vite sur du paranormal (Noosphere) cher à Werber. Du coup, dialogues perdent en réalisme, surtout de la part d'avocats...

Dénouement : (2 / 5)

Décevant. La phase de description de l'action est bâclée et stéréotypée. La facilité avec laquelle ils s'échappent est très étonnante. Leur destin peu clair. On sent que l'action n'est pas au cœur de la nouvelle. Or, la conclusion sur la souhaitable connexion des êtres humains via la Noosphère est discutable et ces théories de la part d'un journaliste scientifique sont toujours au moins surprenante.

Avis / problème : (0.5 / 3)

Scénario invraisemblable. Comment s'échapper si facilement alors que la police semble se méfier ? Côté gourou new age de Werber dérangeant.

Résumé : 

Deux jumeaux séparés à la naissance sont réunis par le FBI dans le cadre d'une enquête criminelle. En effet, on a remarqué que bien qu'élevés dans des cadres très différents, leurs vies sont exactement identiques.

Or, un des jumeaux a tué son patron tandis que le patron du second a été retrouvé mort sans qu'on puisse confirmer les soupçons pesant sur lui. On espère donc que cette rencontre, désirée par les frères, fasse avancer l'enquête.

Très vite, tous constatent qu'un lien invisible fusionnel les relie et l'électrochoc attendu se produit. Le suspect avoue le crime tandis que son frère en profite pour voler une arme. Ils s'enfuient au Canada avec comme otage la chercheuse qui a organisé leur rencontre et qui est comblée d'avoir permis les retrouvailles de ces êtres si parfaitement complices. Et elle ne peut s'empêcher de rêver au jour où l'humanité arriverait à un tel état parfait de connexion collective...

mercredi 13 avril 2022

Petites études statistiques sur les métaux précieux

Un article très concret sur un sujet qu'on peut sans trop hésiter qualifier de niche... Une étude statistique sur la teneur en métal précieux de divers objets, pour faciliter l'estimation lors des enchères...

Plumes en or :

J'ai pu peser une dizaine de plumes.

18 carats : 8 plumes, poids en gramme de 0.16 - 0.19 - 0.24 - 0.28 - 0.29 - 0.36 - 0.38 - 0.41... Moyenne = 0.29 g
14 carats : 2 plumes, poids de 0.23 g et 0.25 g...
Intéressant : une plume en argent plaqué or pesant 0.23 g

Stylo-plume en or :

Sur ce lien, une très intéressante étude du démontage d'un stylo-plume "en or", en fait recouvert d'une feuille d'or à "éplucher" : 7.52 g de 18k net pour 21.38 g brut (35 %)

Montres en or :

J'ai procédé au même exercice avec deux petites montres-bracelets en or, de femme sans doute.

La première pesant au total 9.85 grammes pour 2.82 g d'or (29 %)

La seconde pesait 10.45 g et j'en ai tiré 3.13 g d'or (30 %)

Quelques poids intermédiaires relevés lors du démontage :
Total : 9.85 - 10.45
Boitier : 7.14 - 7.61
    dont mécanisme : 4.10 - 4.29
    dont verre : 0.22 - 0.19
    dont boitier or : 2.82 - 3.13

Bracelet : 2.71 - 2.84
    dont pattes de fixation : 0.26 - ???
    dont boucle : ??? - 0.83


Désossage de montres en or, étape par étape

Fourchettes/cuillères en argent

Pour les grandes fourchettes (plus de 18 cm), entre 45 et 90 grammes selon la finesse du design.
Les fourchettes à dessert (14-15 cm), entre 12 et 25 grammes...

Les grandes cuillères ont des dimensions similaires aux fourchettes, très variables (de 40 à 90 grammes)
Les petites cuillères vont de 9 à 15 grammes en moyenne, pour une taille d'environ 12 cm.

Couteaux, couverts au manche fourré argent :

Des tests réalisés ici donnent un résultat de 10 % d'argent net par rapport au poids brut, un peu plus de 4 grammes par couteau. En ligne avec mes expérimentations personnelles (5 grammes pour les petits, jusqu'à 10 g pour les gros couverts de service).