Cette année 2022, j'ai décidé de m'inspirer d'une tendance repérée en janvier sur des blogs littéraires et de prendre des notes sur mes diverses lectures. Pas de manière aussi poussée que ce que j'ai pu faire pour la notation de nouvelles. Et, contrairement à ce que j'ai pu lire parfois, en me focalisant uniquement sur les "vrais livres", pas les BDs ou les lectures en ligne parce que ça ferait un peu trop.
Cette année, j'ai donc lu huit livres. En tout cas, j'ai pris le temps de rédiger un petit texte pour huit d'entre eux... C'est après cette phrase qu'en général, l'auteur fait un petit bilan par rapport aux années précédentes ou à ses objectifs, mais comme je n'avais ni l'un, ni l'autre, on va directement passer à la revue des ouvrages.
Tout ce qui suit est un énorme divulgâchage en règle, ne le lisez pas si vous n'aimez pas être spoilé, je ne fais aucunement attention à ce que je peux révéler ci-dessous puisque je suis à peu près le seul à le lire et que l'idée est également de stocker ces lectures dans ma mémoire externe... Donc je fais presque attention à divulgâcher le plus possible en fait.
Au soleil redouté (2020) - Michel Bussi
Le dernier Michel Bussi (jusqu'au prochain) est le premier livre que j'ai lu cette année, avant de prendre la décision d'écrire cet article. Je n'ai donc pas pris de notes spécifiques et son souvenir est déjà un peu vague lorsque j'écris ces lignes.
Il s'agit d'un thriller à la Dix petits nègres euh, pardon, à la Ils étaient dix, avec cinq lectrices invitées à un atelier d'écriture sous les tropiques qui sont peu à peu décimées par un tueur en série... Comme dans Les nymphéas noirs, l'astuce utilisée par Michel Bussi est évidemment assez originale, mais on a toutefois un peu l'impression de se faire avoir... Divulgâchons : les cinq lectrices apprenties écrivain rédigent un manuscrit durant leur séjour, dans lequel elles s'inspirent évidemment des évènements qui leur arrivent durant leur séjour marquisien. Bien qu'il nous répète en boucle que jamais il ne mentira dans ce document, l'auteur oublie habilement de nous prévenir qu'on saute du roman d'une des lectrices à celui d'une autre, si bien que ce qu'on prend pour le récit de Clémence est en fait écrit par Martine, etc. Il est donc facile de cacher les agissements de l'une ou de l'autre mais la gymnastique est évidemment périlleuse et, même si le tout est globalement assez bien maitrisé, le roman ne résiste pas à une relecture scrupuleuse qui met en exergue quelques incohérences inévitables. Assez en tout cas pour me décevoir à la fin, mais il faut dire que je suis particulièrement scrupuleux à ce que l'effort de suspension de mon incrédulité soit récompensé à sa juste valeur... Or ici, j'ai l'impression que le contrat n'est pas tout à fait rempli.
13 à table ! 2016 - Collectif
Voir cet article détaillé
Le Prieuré de l'Oranger, tome I (2019) - Samantha Shannon
Pas un roman que j'aurais choisi spontanément puisqu'on est dans un registre que je fréquente assez peu, de l'heroic fantasy a priori (je suis pas un spécialiste de la classification non plus, hein ?), même si je l'ai fréquenté et apprécié chez JRR Tolkien bien sûr.
Ici, on est plongé dans un univers complet et vaste, dans lequel on retrouve et identifie énormément de traits de notre monde réel du Moyen-Age (la Vertu pour la chrétienté, le Sud avec les musulmans, à l'Est les asiatiques isolés et leurs traits culturels, etc.). On n'est donc pas vraiment dépaysés et pourtant, on passe pas mal de temps à vérifier les lieux sur les cartes géographiques présentées au début (j'adore !) ou à se remémorer quel personnage est qui. Honnêtement, je pense qu'il y en a un peu trop et le fait que l'histoire se déroule en parallèle mais presque sans aucun lien entre l'Ouest et l'Est (puis même le Sud dans un deuxième temps), rend le tout assez difficile à suivre.
En revanche, c'est plutôt bien écrit et le rythme narratif est excellent et pousse à vouloir toujours lire le chapitre suivant pour découvrir ce qui va arriver à notre Reine d'Inys, à notre dragonnière asiatique (euh pardon, estienne) fautive ou à l'Ambassadeur de la Vertu plongé au cœur de la renaissance du Sans-Nom...
Un point spécifique, qui a sans doute justifié ce cadeau de Noël si particulier, est la volonté de l'auteure à déconstruire les clichés sexo-binaires de nos représentations du monde : à l'Ouest, on suite les péripéties politiques d'un Reinaume (jolie traduction de Queendom je présume) et les différents protagonistes semblent tous être attirés indifféremment par des partenaires amoureux des deux sexes. Bref, un monde parfaitement bisexuel et accepté pour tous comme tel. On a également une représentation caricaturée du racisme généré par la religion et l'ignorance qu'elle implique de l'Ouest envers l'Est et on imagine assez bien que durant la résolution de l'intrigue qui interviendra sans doute dans le second tome, seule la transcendance de cet obscurantisme permettra de sauver le Monde des forces du mal. Bref, une écriture un peu woke, mais pas désagréable pour autant. Si j'en ai l'occasion, je lirai sans doute avec plaisir le tome II.
La plus secrète mémoire des hommes (2021) - Mohamed Mbougar Sarr
Et ouais, le Goncourt, rien que ça pour continuer les lectures de l'année !
Impressions mitigées pour cet ouvrage atypique, qui s'apparente plus à un manuel de philosophie initiatique qu'à un roman. On ne retrouve pas en tout cas la structure classique d'arc narratif et la "chute" n'est ni spectaculaire, ni inattendue mais ce n'est pas l'effet recherché... Bref, c'est évidemment un peu déroutant.
Le style interpelle également : mêlant des termes très érudits au pire langage ordurier de la rue, qui traduit bien je pense la façon dont on peut penser lorsqu'on possède à la foi la culture et l'extraction sociale de l'auteur.
L'ouvrage est également déroutant par l'enchevêtrement de récits des nombreux personnages, emmêlés dans une trame commune et sans doute finement réfléchie qui tisse un canevas complexe dans lequel transparaît le message complet de l'auteur.
Le tout donne une impression d'énorme densité de messages transmis, de mises en abîme continuelles entre l'auteur, le narrateur et le héros, qui mériteraient sans aucun doute une deuxième lecture (voir plus) pour tenter d'en appréhender la quintessence. C'est souvent profond, très bien analysé et sans aucun doute polémique.
Citons pêle-mêle les thèmes de l'introspection de l'écrivain, l'histoire de la littérature en général ou l'allégorie de l'africain métissé et "blanc à l'intérieur". Le tout avec de nombreuses références à la culture africaine plus ou moins métissée par l'Occident, comme le montre l'importance de la sorcellerie dans l'ouvrage. Donc, un livre dense, riche, sans doute beaucoup plus complexe que ce que ma lecture dilettante a pu en retirer. Sûrement également prétentieux et exagérément ampoulé. Bref, une œuvre collant parfaitement à l'image que j'ai d'un roman primable au Goncourt...
E=mc² mon amour (1977) - Patrick Cauvin