lundi 6 septembre 2021

Souvenirs de guerre (Suite et fin)

Troisième (et a priori) dernier de "mes" souvenirs de guerre (les épisodes 1 et 2) : deux petites anecdotes d'après-guerre qui évoquent des sentiments aujourd'hui disparus. 

La première histoire se déroule durant les années 60 dans une bourgade jurassienne. Clairvaux-les-Lacs ou Pont-de-Poitte sans doute. Une voiture allemande s'arrête devant la terrasse d'un café, un homme en descend, s'approche des consommateurs attablés à l'extérieur et leur demande poliment, avec un accent germanique prononcé, s'ils auraient l’obligeance de lui indiquer la direction de Strasbourg. Un consommateur dont j'ai oublié le nom, se lève alors d'un bond et, pris de rage, menaçant, se met à hurler sur l'allemand :
"Salaud de schleuh, va ! Remonte dans ta voiture et tire-toi de là, sale boche ! La route de Strasbourg ? Ah, tu la connaissais bien en 44 quand vous vous êtes barrés avec tes petits copains..."
L'histoire raconte que le touriste n'a pas demandé son reste et a bien vite disparu sous les bordées d'insultes de notre sympathique patriote jurassien. Pas sûr qu'il soit de nouveau venu dépensé ses deutschemarks dans la région...

Quant à mon dernier souvenir, il est moins spectaculaire mais plus personnel puisque pour une fois, j'en suis le principal protagoniste. Alors que j'étais collégien, plutôt bon élève, j'hésitais entre l'espagnol et l'allemand comme deuxième langue à étudier. L'espagnol emportait plutôt mes suffrages parce que ça me semblait à terme plus utile que l'allemand, mais l'allemand présentait l'avantage de regrouper la plupart des bons élèves de l'établissement dans une classe au niveau plus relevé qui m'aurait bien tenté. Lorsque je partageai mes réflexions avec ma grand-mère, elle me fit rapidement comprendre qu'il serait de bon ton de choisir l'espagnol et que, sans que l'allemand me soit complètement interdit, il serait préférable d'éviter de le parler en sa présence ou sous son toit.

Difficile d'imaginer de telles réflexions aujourd'hui, mais n'oublions pas qu'il y a à peine deux générations, la rancune était tenace et la haine farouche à l'encontre de nos alliés d'aujourd'hui...