mardi 31 août 2021

J'aime : écrire des messages dans les livres d'or...

Avant, j'étais comme tout le monde : je ne savais pas trop quoi écrire sur les cartes de vœux, livres d'or et autres agendas qu'on se faisait signer en fin d'année scolaire. Donc, je faisais comme tout le monde : j'écrivais une banalité d'usage, sans saveur ni personnalité et je me débarrassais bien vite de cette petite corvée pour me concentrer sur le buffet du pot de départ du vague collègue à qui on souhaitait une bonne retraite.

Et puis, un jour, dans un mariage où j'avais réussi à esquiver la corvée mais qu'on avait fini par me l'imposer en toute fin de soirée, alors que je lisais les messages précédemment laissés (peut-être pour me convaincre que quoi que j'écrive, ce ne serait pas plus tarte) j'ai trouvé marrant d'inscrire en bas d'une des premières pages : "Chut ! Le livre dort..."


Enhardi par cette première violation de la sacralité du recueil, j'ai profité d'une demi-page laissée libre pour écrire un mot de remerciement bidon signé d'un nom inventé, juste pour égayer un peu la lecture des futurs mariés par un petit débat sur l'identité de ce Charlie qui trouvait les choux à la crème si réussis. Rien de bien extraordinaire, certes, mais je débutais !

Depuis ce jour, en toutes circonstances, j'accueille la vue d'une bafouille à rédiger non plus comme une contrainte mais plutôt comme une merveilleuse opportunité de laisser libre cours à ma fantaisie créatrice. Ça me rend ce fastidieux exercice agréable, me permet de faire passer des messages parfois beaucoup plus sincères et, même si ça tombe à plat ou peut paraitre bizarre (on est pas toujours hyper-inspirés non plus), je me dis qu'on appréciera l'effort pour avoir tenté un truc original.

Bon, je vois bien que ce que vous voulez, ce sont des exemples... Malheureusement, je n'ai pas immortalisé beaucoup de ces messages et j'en ai sans doute oublié pas mal, mais quelques uns me reviennent en tête. J'ai tenté quelques poèmes pétés parfois dont j'ai bien fait d'oublier les rimes foireuses je pense. J'ai osé une longue histoire pour le pot de départ d'une jolie secrétaire qui se faisait lourdement draguer par les vieux boss de la boîte : l'idée était de pouvoir introduire une contrepèterie (elle en était friande) sans que les autres lecteurs ne s'en doutent où je lui conseillais au final de se méfier "des grands qui cherchaient à l'acculer". C'est passé crème et ça l'a bien fait marrer...
Et pour terminer j'ai trois messages dont je me souviens bien (en vrai il y en a deux que j'ai pris en photo et je viens de retomber dessus, c'est la raison première qui me pousse à écrire cet article), les voici donc :

Le premier est une petite carte, prévue juste pour ma mère et moi, pour le baptême de mon neveu et filleul (Tom, le fils de Marcel et de sa femme Clémentine). 80% de l'espace est occupé par ce message :

Coucou,

Juste un MOT pour TOM..... Ha ha ha, jeu de tom, euh, de mots... Bon, d'accord, l'inspiration est pourrie [NB : d'autant plus que Marcel avait déjà fait cette blague dans la famille, quand il nous a fait deviner le prénom de son fils en nous disant qu'il n'y avait que trois lettres qui lues à l'envers faisaient un mot... Le petit malin. Moi du coup je voulais l'appeler Luc mais ça n'a pas été retenu semble-t-il], tellement que je me suis dit que j'allais écrire très mal, de manière presque illisible, pour laisser planer le doute sur la qualité de mes blagues. Ainsi, on s'imaginerait toujours qu'elles sont beaucoup plus drôles qu'en réalité... Malin, mais inutile ! En effet, en commençant à écrire, j'ai trouvé le ton juste, ce qu'il fallait absolument écrire dans ce genre d'occasion, de manière à rendre ce mot accompagnant un cadeau de baptême parfait, un modèle du genre, une référence. Cher Marcel, chère Clémentine, cher Tom, [à partir de là, l'écriture devient de plus en plus difficile à lire, ça fait quelque chose qui ressemble vaguement à :] savez-vous pourquoi grbou la martina à lou moucher des baptisés drou piroupar ? Artofi du rabouli martonla tout grob. Tirbou la Tom. Oui, Tom d'illos ta maintne. Et pourquoi ? Ma rataboule dimarti ! Oui, matil-nou à nous mais aussi à la vie !

Je vous laisse vous remettre de la profondeur de ces paroles. J'imagine que vous voudrez en discuter mais vous comprendrez qu'elles ne peuvent garder leur portée et leur grand humour qu'écrites...

Je laisse la place à maman pour un mot beaucoup plus chiant traditionnel...

Bisous Tom,                                 Ton parrain 

Le deuxième a été laissé dans le livre d'or d'un mariage d'amis. Je crois que je m'ennuyais un peu, j'ai bien dû rester une demi-heure en tête-à-tête avec les pages du cahier :

Cher Delphine, cher Romuald,

Connaissez-vous l'incroyable histoire des pommes de terre qui voulaient être des tomates ? Non ? Laissez-moi donc vous la raconter en deux mots.

Cette histoire se passe dans un jardin comme il en existait beaucoup dans la France de l'après-guerre : un petit carré de verdure en bordure d'une banlieue ouvrière où logeait une belle diversité de travailleurs occupés à reconstruire le pays ravagé par les combats et l'Occupation. Une femme, magnifique et courageuse, cultivait ces quelques ares pour mettre un peu de beurre dans les épinards, ou plus exactement, un peu d'épinard dans l'assiette (parce que même en plantant un beurrier dans un jardin, on n'obtient pas de beurre à la fin, on peut juste récolter un beurrier sale à la rigueur si on l'a pas paumé. Donc, s'il vous plaît, n'essayez pas avec celui de votre liste de mariage, ce n'est pas la peine. Et si vous voulez quand même essayer, mettez une petite fiche dans le sol avec marqué "beurrier" dessus pour le retrouver plus facilement à la fin de la saison. En vrai, je conseille de plutôt d'écrire "haricot beurre" sur la fiche, comme ça vous le retrouverez tout pareil mais vous passerez moins pour des cons à avoir voulu à tout prix planter un beurrier pour faire pousser du beurre à mettre dans les épinards alors que je vous avais prévenu dans le livre d'or de votre mariage que ça ne marcherait pas, et tout le monde le sait puisque, attirés par ce long pavé, tout plein de vos invités vont de manière parfaitement indiscrète lire ce message [oui, je vous vois, lecteurs clandestins du futur proche, happés par le suspens qui s'installe ! Non, ne craignez rien, je ne vous juge pas. Moi-même, je l'avoue, j'ai lu le message passionnant de tata Jeannine sur comment un mariage pluvieux est un mariage heureux avant de me lancer dans mon histoire de jardinage... Installez-vous confortablement, je me sens en verve, ce n'est pas fini]). Cette femme qui cultivait ce jardin, avait une histoire passionnante, dont nous n'avons étonnamment rien à carrer puisque c'est son potager qui nous intéresse. Non, je ne parle pas de son vieil ami retraité (cette blague passe mieux à l'oral) mais bien de ses légumes !

En effet, il se jouait dans ce jardin un drame que n'aurait pas renié La Fontaine qui nous aurait sans doute écrit un truc comme :
Dans les allées bêchées du jardin sus-cité
Les tomates aux patates jalousie suscitaient.
Mouais, sauf qu'en général, il s'ennuyait pas à pondre des beaux alexandrins comme ça, avec une belle césure et des rimes bien riches. Une petite traduction d'une fable d’Ésope, deux trois vers boiteux qui sonnent à peu près juste, une verveine et au lit. Donc, si ça vous dérange pas trop, on va continuer en prose, j'ai une deuxième tournée de buffet de desserts qui m'attend...

Donc oui, les pommes de terre étaient jalouses des tomates ! Elles auraient, elles aussi, voulu être tendres et bien rouges. Alors, elle demandèrent conseil aux cerises : "comment faites-vous pour avoir cette belle couleur et cette chair si juteuse ?"
- Mais peuchère, collègues, leur répondirent-elles avec leur accent bigarreau, il vous faut prendre le soleil... Si vous restez ainsi enterrées, pas étonnant que vous trainiez ces mines d'endives anémiques ! Nous, si on se retrouve à l'ombre, on reste toutes vertes et toutes dures tandis qu'au soleil, bonne mère,
Notre couleur éclate, notre saveur explose,
Le sucre fait notre joie et notre chair bien rose. (Putain, mais barre-toi La Fontaine, on n'a dit qu'on n'en voulait pas de tes alexandrins mités. De tes vers véreux en somme). 

Les pommes de terre suivirent immédiatement ce conseil et commencèrent à affleurer, sortant à l'air pour profiter du soleil. Et quel miracle de la nature s'opère dans ce cas ? Le pied de pomme de terre sent l'impact du soleil sur ses tubercules et la transformation magique s'opère : le tubercule s'appauvrit en amidon et peu à peu se transforme en organe photosynthétique : les pommes de terre deviennent donc encore plus dures et verdissent pour se charger en chlorophylle ! Et oui, à vouloir rougir et s'attendrir, ces connes sont devenues dures et vertes ! Purée... C'est d'ailleurs bien ainsi que cela finit. En purée : les tomates se prirent la tête avec les pommes de terre, castagne, purée rouge partout. La belle jardinière excédée : purée de patates. Avec du beurre. Direct du beurrier. Et une pointe de persil pour la couleur, alors que le persil il n'avait rien demandé, mais il finit coupé aussi. Ça lui apprendra à faire des frisotis dans son coin.

Et bien je pense que votre mariage en fait, en y réfléchissant bien et en considérant soigneusement toutes les implications morales et les différents degrés de lecture de cette petite fable sans prétention, je pense disais-je que votre mariage, ça n'a absolument rien à voir et aucun rapport avec mon histoire.

Emmanuel

Et pour terminer, voici comment j'ai rempli un bon tiers d'une grosse carte d'anniversaire d'une amie :

Chère Stéphanie,

Plutôt que des vœux très classiques, ce soir, je voudrais te raconter une histoire... Pas n'importe quelle histoire, mais les fantastiques aventures d'un petit lapin que tout le monde surnommait "Lapinou" (ouais, ils étaient nuls sur les surnoms). Lapinou aimait gambader dans la garrigue, se baffrant de trèfle, thym, lavande et romarin.
Mais du coup, il eut soif. Il se rendit donc chez Père Castor (oui, je sais qu'il n'y a pas de castor dans la garrigue, mais lui y était immigré) qui tenait la boutique d'alimentation générale, 7j/7, 20h/24... Lapinou lui demanda s'il avait du Coca Cherry Zéro parce qu'il en avait vu dans une pub à la télé. Mais Castor n'en avait plus.
"Demain je suis livré mon frère si Dieu veut."
Le lendemain, rebelote : pas de Coca Zero Cherry parce que le paysan du champ voisin avait changé ses moutons de pâture, donc, avec la nouvelle clôture, impossible de livrer Castor sans passer par le champ du taureau qui n'était pas commode ces temps-ci, rapport aux génisses qui voulaient pas que... Bref, pas de Coca...
[Hey, Emmanuel, c'est pas bientôt fini ? Oui, oui, j'arrive, j'arrive]
"Mais demain il y en aura, promis juré craché sur la tête de tata Rachel (les castores s'appellent soit Rachel, soit Sylvie, c'est une tradition).
Le lendemain, pas de pot (de lapin), il fait un temps abominable, une véritable tempête... Lapinou ne met pas une oreille dehors de la journée. Mais le jour suivant, le revoici chez Castor. Et là, c'est le drame, plus de Coca ! Tout est déjà parti lui dit-on ! Quelle infamie !
"Mais, Castor, tu as été livré ?"
"Oui Lapinou, comme prévu !"
"C'est pas possible, quand as-tu vendu tout ton stock ?"
"Mais Lapinou, hier !" L'HAPPY NEW YEAR ! Bonne année, tous mes vœux de bonheur !
[Hey, tu sais que c'est un anniversaire espèce de blaireau ? On est en mai] Ah, euh, oui... Bon, ben comme les autres alors : Joyeux anniversaire !

Emmanuel

vendredi 20 août 2021

Critique des nouvelles du recueil : 13 à table ! (2015)

Le premier opus de la série 13 à table ! publié en novembre 2014 (mais étonnement appelé 13 à table ! 2015 dans toute la littérature de référence) débutera notre série de critiques de nouvelles selon les critères exposés dans cet article.

Avant de commencer le divulgachâge dans l'analyse détaillée des nouvelles une par une, la première partie plus générale de cet article peut être lue par les personnes n'ayant pas encore découvert le recueil sans qu'il n'y ait de divulgâchis (oui, j'adore ce néologisme qui remplace avantageusement les spoils & spoilers)

Tout d'abord, j'ai condensé dans le tableau ci-dessous les notes obtenues par les nouvelles sur les différentes (rares) critiques qui analysent les nouvelles individuellement que j'ai pu trouver sur Babelio :

Plus clairement, de la meilleure à la moins bonne note :

  1. Langouste blues de Bernard Werber (4.3 / 5)
  2. La Part de Reine d'Éric-Emmanuel Schmitt (4 / 5)
  3. Maligne de Maxime Chattam (4 / 5)
  4. Gabrielle de Franck Thilliez (3.9 / 5)
  5. Fantôme de Guillaume Musso (3.5 / 5)
  6. Un petit morceau de pain d'Agnès Ledig (3.5 / 5)
  7. Mange le dessert d'abord de Gilles Legardinier (3.2 / 5)
  8. Nulle, nullissime en cuisine ! d'Alexandra Lapierre (3.2 / 5)
  9. Le Parfait de Tatiana de Rosnay (2.9 / 5)
  10. Jules et Jim de Jean-Marie Périer (2.8 / 5)
  11. Une initiative de Pierre Lemaitre (2.7 / 5)
  12. Olympe et Tatan de Françoise Bourdin (2.1 / 5)
  13. Dissemblance de Marc Levy (1.1 / 5)

Si ces chiffres sont évidemment à prendre avec précaution, la taille réduite de l'échantillon rendant toute analyse peu significative d'un point de vue statistique, les conclusions sont corroborées par la lecture des nombreuses critiques sans notation qui montrent généralement un très bon accueil des quatre nouvelles en tête de ce classement ainsi qu'un rejet quasi-unanime de la nouvelle de Marc Levy, manifestement hors-sujet.

Enfin, voici un aperçu de ma notation en un coup d’œil avant de rentrer dans le détail :

 
Passons à présent au détail des notations de chaque texte critère par critère et à toutes mes remarques concernant ces textes. Si vous n'avez pas encore lu le recueil, je ne peux que vous conseiller de stopper ici la lecture de cet article, le plaisir de la découverte serait sans aucun doute complètement gâché par les révélations qui suivent.
 

Olympe et Tatan de Françoise Bourdin  (11.5 / 20)

Respect du thème : (2 / 2)
Un repas de réveillon. Françoise Bourdin pousse le respect du thème jusqu'à décrire un repas regroupant 13 convives (en comptant le chien) pour coller au titre du recueil.

Style : (3 / 5)
Description claires et concises. Dialogues très nombreux et qui sonnent parfois faux, trop ampoulés et descriptifs.

Construction : (2 / 5)
Récit globalement bien mené mais les traits décrits sont souvent exagérés. Histoire sans vraiment de péripéties et certaines n'apportent pas grand-chose d'autre que d'avantage de description des personnages et de leur caractère sans créer de véritable tension dramatique. Pas d'élément déclencheur et donc pas d'évolution entre situation initiale et finale.
Cela pourrait constituer un beau dénouement si on était porté à penser qu'il y aurait des péripéties, mais ce n'est pas vraiment le cas si bien que l'histoire est finalement un peu plate.

Dénouement : (3 / 5)
Sans surprise. Pousse un peu le lecteur à la réflexion.

Avis / problème : (1.5 / 3)
Trop de personnages (pour coller au thème certes) mais certains parfaitement inutiles et on finit par s'y perdre un peu. Traits et relations inter-personnages exagérés alors qu'il n'y a pas besoin qu'ils soient si stéréotypés pour que ça colle. Sujet assez léger. Mais globalement nouvelle fluide et pas désagréable à lire.

Résumé :
Comme chaque année, toute la famille se retrouve chez la doyenne pour un réveillon immuablement raté : repas médiocre, corvée de cadeaux et disputes programmées, chacun s'infligeant cette purge en pensant faire plaisir aux autres...

Maligne de Maxime Chattam  (11 / 20)

Respect du thème : (1.5 / 2)
Pas vraiment de repas mais dans la thématique, avec un effort sur la symbolique de 13 à table (ça porte malheur de manger).

Style : (4 / 5)
Rien à redire. Incipit sympa où on voit le héros avec un autre patient qui semble commencer l'histoire mais qui n'est en fait pas le sujet de la nouvelle. Introduction un peu similaire au procédé cinématographique dans lequel on suit des figurants au début d'une scène qui nous amènent sur l'action principale au bout de quelques secondes.

Construction : (4 / 5)
J'ai aimé la façon dont l'attention du psy monte progressivement sur ce cas atypique, entrainant celle du lecteur naturellement et évitant un début d'histoire trop abrupt où l'auteur nous assène d'autorité que c'est intéressant.
On peut anticiper le dénouement qui n'est pas vraiment une totale surprise mais l'auteur nous laisse hésiter entre plusieurs options possibles et on se demande comment ça va finir : est-ce une véritable tumeur et est-on ici dans la symbolique cancer qui fait payer la gourmandise (conclusion la plus rationnelle à laquelle arrive le psy), le lutin comme allégorie du pêché de gourmandise... Est-ce une pure affabulation ? Le chat va-t-il le bouffer après avoir été infecté ? Il va bouffer le chat ? Va-t-il s'auto-dévorer ?
L'auteur répond habilement à des réserves possibles dans la mise en place de l'intrigue (pourquoi le psy ne l'empêche pas ou pourquoi ne prévient-il pas les autorités ?) mais malheureusement pas toutes (pourquoi ne met-il pas simplement le chat dans une cage qui le protégerait de son inévitable gourmandise et le protégerait du chat s'il est infecté ?)

Dénouement : (1 / 5)
L'histoire se termine sur un des scénarios qu'on envisage durant la lecture même si les conclusions du psy, qui cherche à rester rationnel et interprétatif, tente de nous emmener sur de fausses pistes jusqu'au dernier moment.
Malheureusement, il demeure de nombreuses questions et incohérences : si homme s'est auto-mangé, pourquoi n'a-t-il pas mangé le chat d'abord ? Si le chat l'a mangé, comment la police a-t-elle pu se tromper ? Pourquoi le chat n'a-t-il pas mangé tout le bonhomme ? Comment le chat n'est-il pas ultra obèse et reste-t-il aussi agile et discret après avoir bouffé tous les membres d'un type si gros ? Normalement la pièce devrait être pleine d'excréments de chat... Comment le chat s'échappe sans attaquer le concierge ? Pourquoi choisi-t-il d'attaquer ensuite précisément le psy, qui n'est même pas spécifiquement son voisin ?
Toutes ces questions rendent le chute totalement artificielle, sensationnaliste et finalement elle perd toute crédibilité. C'est dommage car une chute où le lecteur serait subtilement amené à tirer lui-même les conclusions auxquelles aboutit le psy aurait à mon avis été une fin ouverte meilleure.

Avis / problème : (0.5 / 3)
Dénouement peu crédible, comme dans un mauvais film d'horreur qui laisse un dernier sentiment de déception au lecteur et gâche le reste.

Résumé :
Un psy reçoit un patient atypique, persuadé d'être possédé par un bonbon qu'il a avalé et qui le force à manger, l'ayant poussé jusqu'à l'obésité morbide. Une tumeur maligne dans tous les sens du terme puisqu'elle échappe à tout traitement. Il pense s'en débarrasser en jeûnant cinq jours, enfermé avec un chat qui servirait d'hôte de substitution. Cinq jours plus tard, l'homme est retrouvé mort, ses propres membres dévorés.
Alors que le psy, secoué, médite sur la puissance de l'auto-persuasion, il ne voit pas un chat diaboliquement affamé se glisser chez lui...

Nulle, nullissime en cuisine ! d'Alexandra Lapierre  (13.5 / 20)

Respect du thème : (1.5 / 2)
OK, sur le thème de la cuisine et du repas partagé.

Style : (3 / 5)
Simple, efficace, sans fioriture mais sans réelle beauté littéraire non plus.

Construction : (4 / 5)
L'auteur prend son temps pour installer l'intrigue. La longue description du passif familial campe bien la situation et introduit le nœud du problème. Le tout est légèrement forcé mais reste plutôt crédible.
Les réserves potentielles sont bien levées : on nous distille subtilement l'information clef que le fils est parti sans que la ficelle ne soit trop grosse. Bien pensé pourquoi c'est la femme qui doit cuisiner ou comment l'ampleur de la catastrophe empêche d'aller au resto et oblige à se faire livrer la pizza.

Dénouement : (3 / 5)
La chute n'est pas réellement surprenante mais bien amenée. Petite morale à tout ça : dans le repas ce n'est pas la nourriture le plus important mais les convives. Happy end un peu niais et attendu toutefois.

Avis / problème : (2 / 3)
Rien qui ne fasse sortir de la lecture. Un peu naïf et superficiel mais globalement bien mené.

Résumé :
L'héroïne, particulièrement catastrophique derrière les fourneaux, se retrouve à devoir préparer un repas important pour le nouveau patron de son mari, être suffisant et invivable, seul (même ses enfants l'ont fuit) et très critique des plus grands restaurants. Un stratagème est élaboré : feindre de renverser le dîner au dernier moment avant de l'inviter au restaurant. Mais la tenue du patron est ruinée par l'accident et une pizza est commandée. Coup de foudre du patron avec le livreur : c'est son fils disparu depuis trois ans et cette pizza de réconciliation sera finalement le meilleur repas qu'on pouvait servir au patron exigeant.

Un petit morceau de pain d'Agnès Ledig  (14.5 / 20)

Respect du thème : (1 / 2)
Dans la thématique de la nourriture mais pas de repas, ni de rapport avec la malédiction d'être 13 à table ou les Restos du Cœur.

Style : (5 / 5)
Très belle écriture littéraire, fluide et imagée. Très bonne maitrise tout au long de la nouvelle des métaphores filées de la mère accrochée à la planche en bois de ses principes, ou de l'enfant qui doit pousser droit pour aller haut.

Construction : (3.5 / 5)
En trois parties, avec des transitions qui rythment bien la nouvelle :
1/Histoire du petit garçon affamé et du morceau de pain
2/Révélation surprenante (surprise plus grande grâce au fait que l'auteur soit une femme ?) : le petit garçon c'est moi avec la suite de l'histoire, l'impact sur sa vie et ses valeurs plus facilement amenés que dans la première partie descriptive grâce au changement de point de vue rendu possible par la révélation.
3/Saut dans le temps à l'âge adulte, malaise au parc et répétition du schéma de la rencontre grâce au morceau de pain. Toutefois, il manque un peu de construction pour tenter de ménager un peu de surprise autour de cette fin un peu fleur bleue et très attendue.

Dénouement : (2 / 5)
Dénouement très attendu, naïf et un peu happy end niais. Mais qui permet la finalisation de la métaphore filée de la croissance droite.
Au final, on a ici juste une belle histoire mais malheureusement sans réel enseignement ni chute inattendue ou matière à réflexion.

Avis / problème : (1.5 / 3)
Petit problème dans la construction sur l'explication du sport à jeun, peu vraisemblable quand on prend tous les jours un petit-déj.
Bon moment de lecture mais ne reste pas grand-chose.

Résumé :
Un petit garçon affamé par les principes d'éducation rigide de sa mère qui l'élève seule (on ne mange pas avant le repas) se voit offrir un morceau de pain par un inconnu, qui deviendra finalement son beau-père.
Ce petit garçon, c'est le narrateur de l'histoire. Il a aujourd'hui 30 ans et fait un malaise dans un parc. Cela lui permet de rencontrer celle qui, il l'espère, deviendra la femme de sa vie après qu'elle lui ait offert un morceau de pain.

Mange le dessert d'abord de Gilles Legardinier  (13.5 / 20)

Respect du thème : (2 / 2)
L'auteur nous raconte des souvenirs de repas et brise immédiatement le quatrième mur pour évoquer le recueil qu'on a en main. On peut être certain ici que le texte a bien été écrit spécifiquement pour 13 à table !

Style : (4 / 5)
Adresse directe qui fonctionne et permet une bonne transmission des émotions et transpire la sincérité. La petite signature manuscrite finale semble attester de l'authenticité des souvenirs ici partagés. Bonne intro pour expliquer qu'on préférera l'authentique au fictionnel. Pas de beauté particulière dans le style, mais il est très efficace dans la transmission des émotions et la description de la scène.

Construction : (3 / 5)
Pas une nouvelle à proprement parler mais deux histoires vécues.
La première toute en émotions : le dernier repas partagé avec son père, souvenirs et regrets.
La seconde plus pittoresque et intéressante à lire, avec sa propre chute inattendue (l'idée de l'auteur/narrateur de simuler les pleurs pour cacher le rire est excellente et surprenante). Les deux histoires sont liées par l'idée de profiter de la vie et de ses moments, souvent autour d'un repas partagé. Rappel du thème des Restos subtil à la fin "ceux qui ont faim savent qu'aucun repas n'est anodin". Cependant, pas de réelle montée dramatique puisqu'on ne saurait qualifier ce texte de nouvelle.

Dénouement : (2.5 / 5)
Pas de chute mais une espèce de morale, d'enseignement qui est bien transmis, même s'il reste somme toute assez banal.

Avis / problème : (2 / 3)
Pas de temps mort ni de lourdeur dans l'adresse directe. Le récit est bien mené et transpirant de vérité. Morale un peu banale et présentation de l'auteur comme étant une espèce de "champion du repas avec les inconnus" pas vraiment utile.

Résumé :
Gilles Legardinier choisi de nous conter deux souvenirs de repas plutôt qu'une fiction. D'abord le dernier repas partagé avec son père, exemple de transmission et de complicité paternelle. Puis une histoire d'enterrement : présent par obligation sans connaître le défunt, il réussira habilement à dissimuler un fou rire irrépressible puis pourra observer d'un point de vue extérieur et détaché toute l'humanité se dégageant du repas de cette famille. Tirant de ces expériences l'enseignement qu'il souhaite partager avec nous : "si cela te fait plaisir, mange le dessert d'abord".

Une initiative de Pierre Lemaitre  (15 / 20)

Respect du thème : (1.5 /2)
Une invitation pour un repas de famille comme thème central.

Style : (4 / 5)
Plutôt bien écrit, le style transmet bien la montée de l'angoisse du personnage et on ressent beaucoup d'empathie en l'observant se disperser devant l'ampleur de la tâche. Le poids de l'âge et de l'oubli est également bien transmis. Malheureusement, petit manque de crédibilité sur  les "hurlements" et son emportement en général chez les différents commerçants

Construction : (4 / 5)
On sent bien la lente montée de l'angoisse et la dispersion du héros. On envisage vite plusieurs chutes possibles, même la plus dramatique qui nous est suggérée (vertiges sur la chaise) mais l'auteur évite de tomber dans cette facilité. Les solutions au problème qui nous apparaissent immédiatement les plus simples (traiteur, commande, resto) sont abordées tardivement par le héros, mais ce délai est très facilement explicable par son âge et le caractère inhabituel de la tâche, si bien que ces errements sont habilement crédibles.

Dénouement : (4 / 5)
La résolution du nœud dramatique
est très simple et crédible. Cette simplicité souligne d'ailleurs parfaitement l'idée que le héros se noyait dans un verre d'eau, le naufrage de la vieillesse, tout ça... La vraie chute et l'intérêt de l'histoire est ailleurs, dans la prise d'âge apparente du héros confronté aux fantômes qu'il avait enfermé et qui en ont profité pour ressortir.

Avis / problème : (1.5 / 3)
Quelques verbes maladroitement choisis pour les dialogues font sortir de l'histoire.

Résumé :
Invitant sur un coup de tête 6 personnes à déjeuner, un veuf de 81 ans se noie sous l'ampleur de la tâche qu'il n'imaginait pas si compliquée. Rattrapé par le poids de son âge et les fantômes du passé qu'il avait soigneusement refoulés et qui remontent alors qu'il fouille à la recherche des ustensiles indispensables, cette simple initiative lui fera prendre un sacré coup de vieux.

Dissemblance de Marc Levy  (2 / 20)

Respect du thème : (0 / 2)
Hors-sujet complet. P
as même une allusion à la nourriture, alors qu'il était aisé de faire semblant de jouer le jeu en comparant les deux traditions culinaires, similitudes (pas de porc, tabous) et différences...

Style : (1 / 5)
Espèce de conte philosophique sous forme de dialogue. Ni bons dialogues, ni bonne philosophie. Espèces d'images incompréhensibles et obscures (oubli de la couleur des yeux de son père, trace cercle sur le sol).

Construction : (0 / 5)
Dialogue peu crédible : la progression de leur pensée est trop rapide et leur changement d'avis peu vraisemblables : comme par miracle, les deux hommes comprennent toute l'absurdité de la guerre juste parce qu'ils ne se rappellent pas les raisons de la haine. Mais il s'agit d'un raisonnement que la majorité des personnes concernées fait très bien de son vivant. Ceux qui le rejettent vivants n'ont pas raison de changer d'avis si vite. De plus, ils connaissent bien en fait les raisons de la haine et se les envoient au visage juste avant.

Dénouement : (1 / 5)
Pas vraiment compris. Ils veulent instruire les leurs de l'inutilité de la guerre, mais en fait non. Puis un des deux savait qu'ils étaient morts (mais continuait à discuter comme s'il l'ignorait) donc ils se rendent compte qu'ils ne peuvent pas porter cette bonne parole.
Ils se promettent de se rappeler cet enseignement, mais en fait non parce que c'est impossible à faire de leur vivant!? Manque total de cohérence et de clarté et pour être honnête, je n'ai pas envie de relire pour comprendre parce que ce sujet beaucoup plus complexe est traité ici de façon ultra-stéréotypée, naïve et avec une bien-pensance moralisatrice et simplificatrice peu engageante. Un point pour l'idée qu'ils soient morts et pas juste enfermés.

Avis / problème : (0 / 3)
Conte pseudo-philosophique sans intérêt, sans réel enseignement qui ressasse une espèce de bien-pensance inutile et niaise (la guerre c'est mal). On est jamais dedans et on se demande ce que cette nouvelle fait ici et si l'auteur ne nous prend pas pour des idiots en refourguant pour les Restos un texte qui traînait dans un tiroir, sans même prendre la peine de l'adapter.

Résumé :
Un arabe et un juif emprisonnés ensemble se rendent compte que le conflit israëlo-palestinien n'a aucun sens et, forts de cette révélation, pensent pouvoir mettre un terme à la guerre en partageant cette géniale idée. Malheureusement, ils se sont déjà entretués et oublient vite leurs regrets et cette perspective qu'ils estiment finalement impossible à matérialiser chez les vivants.

Fantôme de Guillaume Musso  (11.5 / 20)

Respect du thème : (0.5 / 2)
L'histoire débute par un repas, mais juste pour lancer un polar sans rapport avec la thématique (0.5 / 2)

Style : (3 / 5)
Un début surnaturel (discussion avec un fantôme) qui n'est suivi par la suite d'une histoire parfaitement réaliste. Mais, du fait de l'introduction fantastique, on reste tout du long un peu en suspens avec la possibilité qu'il s'agisse d'un rêve global ou dans l'attente de la survenue d'une autre vision alors que de tels artifices ne sont pas nécessaire à la suite de l'intrigue qui est bien menée et n'a pas besoin de fantastique pour tenir la route.
Petite lourdeur stylistique dans la révélation finale : c'est son nom de mariage, donc elle avait un autre nom il y a 20 ans. Les yeux qui se posent simplement sur le diplôme auraient suffit. Mais globalement polar bien écrit.

Construction : (4 / 5)
Passage du rêve à la réalité peu clair, mais polar bien mené et portant bien le lecteur jusqu'à une chute inattendue. 

Dénouement : (3 / 5)
Chute brutale, assez inattendue même si l'artifice du changement de patronyme d'un personnage comment à être bien usé. Surtout, il aurait pu être introduit plus finement.

Avis / problème : (1 / 3)
Polar globalement bien mené et plaisant mais l'attitude de l'infirmière est peu crédible. Pourquoi aider ainsi à la résolution du cas qui la concerne ? Elle a de nombreuses occasions de couper court à l'enquête de façon légitime sans que cela ne l'incrimine : dire qu'elle ne connaît pas le médecin ou tout du moins ne pas livrer autant d'informations permettant de retrouver ses proches, prétendre qu'il était accroc à l'héroïne, ne pas prêter sa voiture ou encore signaler cette patiente qui fouille dans les archives et vole des outils... Au final, elle transgresse plusieurs fois le règlement pour faciliter une enquête qui l'incrimine.

Résumé :
Une jeune flic atteinte d'une tumeur au cerveau en phase terminale tombe sous le charme d'un jeune médecin, qui s'avère être mort depuis 20 ans d'une étrange overdose. Elle mène l'enquête avec l'aide de son infirmière et découvre que le beau médecin a sans doute été assassiné parce qu'il avait découvert qu'une soignante tuait des malades dans l'hôpital. Elle se rend compte qu'il s'agit de son infirmière juste avant de rejoindre la liste de ses victimes.

Jules et Jim de Jean-Marie Périer  (12.5 / 20)

Respect du thème : (1.5 / 2)
Un dîner entre amis pour renouer avec le passé.

Style : (4 / 5)
Bien écrit, efficace et sobre avec une bonne dose d'analyse des points de vue de chacun. On ressent bien l'ambiance pesante et le lecteur ayant déjà vécu des situations similaires retrouve bien les sensations décrites.

Construction : (3.5 / 5)
L'accident est bien amené par l'attitude de Jim durant le repas.
Comme explication de la brouille, pourquoi combiner la trahison amoureuse à un écart de trajectoire financière ? Une seule cause aurait sans doute suffit. Cette dualité rend le message moins clair et une éventuelle réconciliation semble plus difficile.
J'ai aimé l'idée de se retrouver pour une seule fois et de se quitter apaisés pour ne pas gâcher les bons souvenirs du passé avec un présent plus contrasté. C'est une jolie trouvaille qui colle parfaitement avec le fait que ce soit une réconciliation post-mortem.

Dénouement : (2 / 5)
Certes très inattendu mais impossible à anticiper et surtout, pas de réponse sur comment c'est possible. La nouvelle se termine avec l'image des biches, un peu de poésie symbolique pas bien claire.

Avis / problème : (1.5/3)
Pas d'utilisation de tous les personnages. Dénouement surnaturel ouvert sans réelle réponse... Je trouve toujours ça un peu trop facile.

Résumé :
Jules organise un dîner avec ses vieux camarades dans le but de se réconcilier avec son ami de toujours, Jim, qu'une trahison amoureuse et sa réussite ont éloigné de lui. Malheureusement, il ne parvient pas à renouer le lien durant le repas, mais, alors que tous sont partis, Jim revient et fraternise à nouveau. Les amis se retrouvent pour, ils le savent, une dernière nuit avant de se séparer pour toujours. L'instant de partage, whisky et cigares au bord de l'Oise est magique, salué par un couple de biches. À son réveil, on apprend à Jules que son ami s'est tué en voiture juste après la fin du repas. A-t-il donc rêvé de la réconciliation de cette nuit ? Non, les cigares sont bien fumés et les biches repassent dans l'autre sens...

Le Parfait de Tatiana de Rosnay  (12 / 20)

Respect du thème : (1.5 / 2)
Un repas de noces et ses préparatifs comme cadre de la nouvelle.

Style : (3 / 5)
Construction un peu bullet points avec un enchaînement des paragraphes et des idées sans connexion. Des phrases courtes et simples. Beaucoup d'informations. Écriture efficace mais pas très littéraire.

Construction : (3 / 5)
Mise en place un peu longue, avec beaucoup de détails et d'informations sur le passé et quelques péripéties permettant de très bien cerner le personnage mais pas vraiment utiles à l'intrigue de cette nouvelle (changement de robe, pertes de tous les objets...)

Dénouement : (3 / 5)
On sent venir les deux éléments de résolution, autant le flirt que la mort de Mamie, qu'on attendait plus provoquée qu'accidentelle. Ici, on a l'impression que l'auteur cède un peu à la facilité sur ce deuxième point, une mort subite, sans signe avant-coureur et qui nous arrange bien pour la chute. On apprécie cependant le jeu de mot final.

Avis / problème : (1.5 / 3)
Nouvelle un peu lente et longue pour une chute attendue et sans réelle utilisation de nombreuses informations introduites au cours de la mise en place.

Résumé :
Monique, veuve, doit subir depuis des années la tyrannie de sa belle-mère de 90 ans qui lui a notamment rendu la vie impossible lors des préparatifs du mariage de sa fille, jusqu'à imposer la présence de parfaits au chocolat en dessert. La journée est particulièrement stressante et les moments de joie de Monique sont souvent gâchés par Mamie. Jusqu'à ce qu'elle s'abandonne sur la piste de danse dans les bras du traiteur avec qui elle a flirté toute la journée et qu'on retrouve Mamie morte, le nez dans son dessert, rendant le moment parfait.

La Part de Reine d'Éric-Emmanuel Schmitt  (11.5 / 20)

Respect du thème : (1.5 / 2)
Clovis le clochard préfère recevoir un repas à partager avec sa chienne plutôt que de l'argent. On est à la limite de la thématique, mais le thème du SDF colle avec les Restos du Cœur.

Style : (4 / 5)
Simple et efficace, sans rien d'inutile dans le style ni de beauté particulière.

Construction : (2 / 5)
Construction qui tient plus du roman que de la nouvelle avec
plusieurs arcs narratifs successivement dénoués :
- Pourquoi Clovis n'aime pas l'argent, enquête, réponse.
- Histoire des semaines de pénurie expliquant cette décision avec son propre arc.
- Introduction du rôle du curé et de la bibliothécaire.
- Mort de Clovis, risque de perte de Reine et tension résolue.
- Histoire à l'orphelinat roumain.
- Enterrement de Reine.
Au final, beaucoup de parties dans cette histoire, trop pour une bonne nouvelle où on se retrouve immanquablement avec beaucoup de superflu : tout le passage en Roumanie, le parallèle entre les oiseaux et les clochards de l'incipit qu'on retrouve évoqué en excipit mais pas du tout exploité durant le récit, l'opposition "politique" de la bibliothécaire et du curé...

Dénouement : (2.5 / 5)
Avec autant d'arcs narratifs successifs, on ne peut pas parler d'un seul dénouement. L'excipit sur les oiseaux est vaguement poétique mais peu pertinent. Cependant de bons rebondissements s'enchaînent au long de l'intrigue et bonne idée que celle de l'enterrement en terre chrétienne impossible mais approuvé tacitement, même si on aurait pu éviter un peu de lourdeur en évoquant la présence invisible du curé une seule fois.

Avis / problème : (1.5 / 3)
Quelques petits problèmes de vraisemblance :
pourquoi Clovis arrive-t-il à refuser l'argent des voisins mais pas celui du père du héros ? Pourquoi éprouve-t-il une telle peur apparente à l'idée de posséder un peu d'argent alors qu'il a la solution pour s'en débarrasser sans que ça lui nuise ? La première fois à la rigueur mais ensuite, il ne semble pas en souffrir du tout mais continue pourtant à s'en désespérer...
Je ne suis pas fan également du cliché si peu réaliste du clodo ultra-sage qui a trouvé la solution pour être heureux.

Résumé :
Clovis le clochard du village préfère un repas qu'il partagera avec sa chienne Reine à toute rémunération pécuniaire pour les nombreux travaux qu'il entreprend. Le héros, un jeune garçon qui le fréquente grâce à son chien, découvre qu'il partage tout ce qu'il gagne sans prétendre à la moindre possession : il a confiance en la générosité du genre humain pour subvenir à ses besoins, tout comme Reine lui a toujours témoigné une confiance absolue pour la nourrir.
À la mort de Clovis, cette absolue fidélité manque de peu de coûter la vie à Reine, mais elle est sauvée par notre héros et adoptée par le curé, qui y découvre une âme pure et pour ainsi dire sainte tant et si bien qu'au décès du chien, reniant tous ses principes passés et les usages catholiques, il autorise tacitement le héros à enterrer la chienne en terre consacrée avec son maître.

Gabrielle de Franck Thilliez  (13.5 / 20)

Respect du thème : (1.5 / 2)
Le repas des grizzlies comme sujet principal.

Style : (4 / 5)
Écriture claire, qui va à l'essentiel. L'auteur parvient à expliquer facilement en quelques phrases les données scientifiques, les enjeux et le drame qui se joue. On ne donne pas de raison à la désorientation des saumons mais on partage bien le ressenti global écologiste contre un ennemi invisible et néfaste. C'est le sentiment exact que ce couple éprouve sans doute dans une telle situation. Bonne description de l'action et de la tension également.

Construction : (3.5 / 5)
Les mauvaises nouvelles s'enchaînent bien vers le drame : manque de poissons, entorse, panne du groupe électrogène. Structure simple et sans réelle surprise mais efficace et qui reste assez crédible.

Dénouement : (3 / 5)
Chute en semi-surprise : certes, comme on s'y attend, Gabrielle est tuée par les ours, mais en fait, l'homme revit la scène. Le réel message de la nouvelle est-il à chercher dans cet amour que le veuf cherche pathologiquement à revivre ou est-ce un artifice pour apporter de la surprise là où le dénouement est très attendu ?

Avis / problème : (1.5 / 3)
Pourquoi les ours sentent-ils si vite que le groupe électrogène a lâché ? Pourquoi surtout le couple ne dispose pas d'un groupe de secours ? Si c'est un accident qui arrive, dans la mesure où leur vie tient à cet équipement, il est improbable de faire preuve d'une telle négligence de la part de zoologues si expérimentés. Et si une telle mésaventure arrive pour la première fois en 25 ans, c'est vraiment pas de bol que cela se passe l'année où il n'y a pas de poisson et où Gabrielle s'est fait une entorse... La fin donne une autre dimension au texte mais c'est peut-être aussi juste un artifice d'auteur.

Résumé :
Un vieux couple filme chaque année le repas de saumons des grizzlies qui leur permet de survivre à l'hiver. Mais cette année, les saumons ne sont pas venus et le couple n'est protégé des ours affamés que par une clôture électrique qui, une nuit, tombe en panne. L'homme doit laisser sa compagne blessée pour chercher de l'aide auprès d'un ami qui vit en ermite à 10 km. Quand il arrive, celui-ci lui annonce tristement qu'il rejoue, comme chaque année depuis 5 ans, cette triste scène où ils n'ont pas réussi à sauver Gabrielle des grizzlies comme l'atteste les images retrouvée dans leur caméra. Le retour à la réalité est très douloureux.
L'année suivante, de retour au campement, l'homme a la joie de retrouver sa femme souriante pour une nouvelle saison d'étude au milieu des ours.

Langouste blues de Bernard Werber  (16.5 / 20)

Respect du thème : (2 / 2)
Bob la langouste nous explique pourquoi il constituerait un mauvais repas. Il nous raconte sa vie et nous explique pourquoi consommer des langoustes, ça porte malheur, comme être 13 à table...

Style : (4.5 / 5)
Le meilleur de Werber, précis, documenté, sans biais ésotérique ou doctoral comme c'est parfois le cas. On sent le franc-parler de Bob et pour plus de vraisemblance il interrompt parfois ses réflexions par une anecdote. Son parti pris et sa subjectivité sont bien retransmis. Évidemment, le tout reste peu réaliste car cette langouste est beaucoup trop savante et observatrice des hommes mais l'auteur joue avec notre point de vue ethnocentré (par exemple, quand il passe devant le nom du navire, on espère qu'il nous dira que c'est le Titanic, mais non, il ne sait pas lire, c'est une langouste... Mais comment saurait-il alors que ce sont des écritures ?)

Construction : (4 / 5)
Pas de temps mort, petites anecdotes plaisantes qui émaillent le récit jusqu'à la chute qui a besoin de peu de préparation.

Dénouement : (4 / 5)
Chute assez inattendue. Certes, le lecteur est peu préparé au fait qu'on soit sur un bateau mais ce n'est pas vraiment bloquant car cela reste réaliste et l'histoire fonctionnerait également avec un tsunami par exemple. La conclusion avec le pèlerinage sur les lieux du naufrage est sympa aussi et permet de préciser l'état d'esprit vengeur bien compréhensible et en ligne avec le caractère sans concession de Bob, ainsi que d'introduire l'idée de malheur qui boucle avec le nom du recueil.

Avis / problème : (2 / 3)
Une nouvelle légère et plaisante. Toute petite remarque, il est dommage d'ajouter "question de point de vue", surtout deux fois, sur fait qu'il s'agit d'un happy end, ça rend la langouste vraiment trop ethnocentrée.

Résumé :
Bob la langouste nous explique pourquoi lui et ses congénères ne devraient pas être mangés en nous racontant son histoire : sa jeunesse dans les sorties d'égout cubains, sa capture alors qu'il allait frayer et sa vie en aquarium de restaurant où il voit disparaître cruellement tous ses camarades, jusqu'à sa libération jubilatoire : le paquebot dans la cuisine duquel il était exposé se retrouve éventré par un iceberg et tous les humains mangeurs de crustacés sont noyés tandis qu'il retrouve la liberté.

mardi 17 août 2021

Critiquons et notons des nouvelles

Comme je vous l'annonçais il y a quelques minutes dans l'article précédent, j'ai décidé de consacrer quelques heures à étudier les ressorts de l'écriture de nouvelles. J'espère en retirer quelques "ficelles" en notant ce qui me plaît particulièrement lorsque j'analyserai des textes publiés. Je m'attarderai en effet sur différents critères auxquels je ne prête pas forcement attention lorsque je lis sans prendre de notes. Et, afin de rendre l'exercice "utile", je pense rédiger un billet de blog pour chaque recueil ainsi analysé et enrichir sa page Wikipedia de mes constatations.
 
J'ai l'intention de débuter par des recueils composés de textes de différents auteurs et regroupés autour d'un thème commun. En effet, si je connais bien (et m'inspire beaucoup de) l'écriture de certains grands auteurs comme Guy de Maupassant, il y a une telle diversité possible et une telle richesse dans la production de nouvelles passées et présentes que j'ai décidé d'élargir le spectre de mon étude à des auteurs que je ne connais pas comme l'on peut en trouver dans ce genre d'ouvrages. Peut-être qu'ensuite, lorsque je serai un peu plus aguerri dans cet exercice, je me retournerai sur Les Contes de la Bécasse pour déterminer avec des critères objectifs si j'ai bien raison de considérer qu'il s'agit d'un ensemble de petits chefs-d’œuvres...
 
Ces critères de notation d'abord, quels seront-ils ?
  1. La qualité du style d'écriture (sur 5). Je m'attends à des notes plutôt élevées pour les écrivains connus et probablement plus de disparité pour des recueils amateurs. J'aime la belle écriture littéraire, avec de belles figures de style maitrisées et qui apportent à la narration, mais pour une nouvelle, on jugera évidemment également l'efficacité, la précision et la concision.

  2. La qualité de la construction de la nouvelle/tension, emporte-t-on bien le lecteur ? Est-ce que tous les éléments de l'arc narratifs tendent vers une belle résolution bien amenée ? Sur 5

  3. Le dénouement. Plusieurs options pour obtenir ici une bonne note selon que la nouvelle présente une chute ou une fin ouverte par exemple... (Chute spectaculaire, surprenante, bien amenée ? Reste-t-il quelque chose après la lecture ? Ressent-on une belle émotion à la fin ?) sur 5

  4. Un peu de subjectivité (sur 3). Mon avis personnel en insistant sur la présence potentiel d'un élément qui dérange, qui fait sortir de l'histoire. Ce peut être un problème de cohérence, de vraisemblance, mais aussi de construction ou même de vocabulaire qui fait tiquer et rompt un peu la magie de la lecture...

  5.  Le respect du thème. Possible évidemment uniquement lorsqu'un thème est imposé, mais important de mon point de vue de participant à des concours d'écriture. Sur 2 selon le barème suivant :

    - 2 : parfait avec un petit quelque chose en plus, un effort particulier
    - 1.5 : thème respecté
    - 1 : dans la thématique
    - 0.5 : raccrochable au thème à la rigueur
    - 0 : hors sujet (ça peut arriver même aux meilleurs)

Voilà, nous sommes prêts pour commencer. Ci-dessous les articles pointant vers les recueils étudiés :

Ici, la première critique, celle du recueil 13 à table ! 2015 (Wikipedia) sur le thème du Repas, miam !

Gagner un concours de nouvelles IV

Notre précédent suivi pour cet objectif (gagner un concours de nouvelles) de notre bucket list se terminait mi-2017, il est donc temps de s'offrir une petite mise à jour, même si mon activité de création littéraire n'a pas été très riche ces 4 dernières années !

En effet, j'ai surtout tenté, assez épisodiquement, de participer à quelques concours en recyclant mes textes déjà écrits lorsque le thème était libre ou collait avec la nouvelle. Cela m'a permit d'obtenir un troisième succès en août 2017 dans un concours de moyenne envergure grâce à ma nouvelle sur le thème de l'enfance, manifestement très appréciée, et j'ai eu le bonheur cette fois-ci de participer à la cérémonie de remise des prix (un panier garni pour ma seconde place) durant laquelle j'ai discuté avec les membres du jury et lu mon texte devant une cinquantaine de personnes toutes très souriantes et bienveillantes... Une journée bien remplie ponctuée par une petite recherche de fossiles alentours dans une formation rocheuse typique de la région avant de rentrer à la maison ! Bref, un excellent souvenir.

Mais depuis, je n'ai pas participé à d'autres concours. J'ai simplement tenté ma chance sur divers sites Internet et appels à textes en ligne (tels que short-edition) et, même si mes textes ont rencontré un succès d'estime comme on dit, j'ai été rebuté par l'aspect "réseau social" de ce genre de système, qui pousse à voter pour un maximum de textes afin de récolter des voix pour le sien dans une espèce d'échange de bons procédés, le tout bénéficiant malheureusement aux auteurs très actifs, avec un gros réseau et une production importante... En soit, c'est un mini-monde de l'édition professionnelle, ce qui est parfait pour quiconque souhaiterait percer dans le domaine littéraire et accéder ainsi au Graal de la publication à compte d'éditeur, mais ne correspond pas réellement à ce à quoi un amateur tel que moi peut aspirer.

Plus récemment, j'ai produit quelques micro-textes pour participer notamment au Prix Pépin (<300 signes, ça fait peu) ou aux appels à textes de La Taverne des Spores (moins de 600 caractères cette fois), sans succès pour le moment.

Enfin, en ces jours de vacances d'été 2021, j'ai décidé de me consacrer à un exercice un peu différent mais néanmoins lié en m'attelant à étudier les ressorts de l'écriture des nouvelles, et particulièrement évidemment des nouvelles à succès. L'article dédié à cette activité ne saurait tarder. D'ailleurs, si cette phrase est bleue, il suffit de cliquer dessus pour l'ouvrir... Cela devrait m'inciter à reprendre la plume et, à défaut, me permettre d'écrire quelques critiques sur des ouvrages qui figurent parfois à peine dans Wikipedia. Au minimum donc, j'enrichirai la somme des connaissances universelles humaines, c'est pas si mal...

Mais il ne fait nul doute que je tenterai de nouveau l'aventure des concours de nouvelles dans un futur plus ou moins proche. Cela sera à suivre sur ce lien, n'hésitez pas à le cliquer s'il est bleu, c'est bon signe...