jeudi 22 janvier 2015

Etre un connard

J'ai vu un petit reportage sur youtube qui parlait d'un phénomène qui énerve les masses, et contre lequel quelques entreprises de transport anglo-saxonnes ont commencé à communiquer : le widespreading.

Kesako ? Non cher correcteur orthographique, ce n'est pas une faute de frappe pour frappadingue (non mais sérieusement, à part avec Parkinson je ne vois pas comment frapper widespreading à la place de frappadingue...), mais bien une tendance, masculine, qui consiste à prendre toute le place sur les banquettes du métro en écartant les jambes de façon exagérée...

Les journalistes se filmaient en caméra cachée en train de s'y adonner pour surprendre la réaction spontanée de leurs co-usagers. Et les réactions violentes ou virulentes étaient rares. La plupart des gens s'écrasaient, quelques uns demandaient poliment et, bien que le journaliste jouait vraiment vraiment au connard, très peu finissaient par le reprendre.

Et sa réaction à la fin de l'expérience était assez révélatrice : il a ressenti un pouvoir, une puissance incroyable (enfin, c'était en rosbeef et il a dit : I felt uncredibly powerful, débrouillez-vous pour traduire). Et en un sens, c'est normal, quand on arrive à être un vrai égoïste, on n'a rien à cirer de gêner les autres, de leurs regards réprobateurs ou leurs soupirs désabusés, je suis sûr que certains vicieux en retirent même de la satisfaction.

En même temps, en écoutant le petit dialogue suivant, qu'on a tous entendu, on finit par se demander de quel côté on préfère être :
" Attends, le mec, il prenait toute la place et je suis restée debout à côté avec mes courses, quel connard, mais je me suis pas laissé faire
- Ah oui, tu as fait quoi, tu l'as bouculé ?
- Non, ç'aurait été tomber dans son piège, mais j'ai soupiré hyper fort quoi, ça l'a trop affiché...
- Ah ouais, non mais grave, quoi
- Attends, attends, et en sortant, je lui ai lancé un regard, t'aurais vu ça... Je sais c'est dur, mais voila quoi, il ne faut pas me chercher, j'étais trop vénère."

Je crois donc qu'à tout prendre, il vaut mieux être un connard, pourquoi se faire chier ? C'est déjà nul d'être timide ou poli, d'attendre son tour pour parler. Si tu coupes pas la parole aux grandes gueules, tu n'en places jamais une, etc. Toutes les augmentations que j'ai eue, les promotions, c'est en râlant que je les ai obtenues. Tous les trucs bien que j'ai faits sont toujours passé au second plan par rapport à des trucs nazes que d'autres ont certes bâclés, mais dont ils ont parlé sans arrêt.
Avec une grande gueule, on peut réécrire l'histoire à sa manière. Les grandes gueules passent pour des mecs cools alors que jamais je n'oserais dire la moitié des conneries qu'ils débitent sans réfléchir au mieux dans l'indifférence générale, au pire dans l'admiration pour leur assurance effrontée. Dans le monde du travail, si t'es un connard, tu fais peur aux timides qui préfèrent s'écraser (comme dans le métro), plutôt que de risquer la confrontation...

Il n'y a qu'à regarder Lafesse, ou plus récemment Connasse, pour se convaincre que la timidité, ou même la réserve, ne paie pas. Et que l'impertinent ne risque vraiment pas grand chose...

Sérieusement, quand mon petit frère m'a dit que sa résolution de 2015 était d'être un connard, je n'ai pas compris. Mais je crois qu'il a bien raison et que sa réflexion avait un bon mois d'avance sur la mienne...

Bon, je sais que je n'y arriverai pas, c'est trop contre-nature, mais franchement ça fait chier (oui, c'est un article super vulgaire, c'est ma forme de révolte à moi, je suis trop un ouf !).

En même temps, comme la nature humaine est compliquée et que les paradoxes s'y côtoient allègrement, je pense que j'aime également être anti-connard. L'autre jour, j'ai réussi un superbe croque-en-jambe-cuillère sur un mec qui m'avait bousculé dans le couloir du métro sans s'excuser... Rhôôô, il était tellement énervé de s'être presque ramassé, c'était vraiment sympa. Ou quand j'arrive à faire déchausser du talon le même genre de profil en m'excusant très hypocritement, c'est quand même jouissif aussi... Ah, on est peu de choses.

1 commentaire:

  1. Bonjour Bernard,
    Ce qu'il ressort de cet article ... du moins à la première lecture, c'est que clairement, votre petit frère est un visionnaire !
    Un sage homme.
    Bonne continuation, je lis votre blog avec intérêt, continuez !
    Calamondin Andelain

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